Théorèmes de la domination
« Le tour de force du capital, c'est d'avoir convaincu qu'il n'est responsable d'aucune des conséquences que son iniquité a instaurées. Qu'il soit ici en excédent et qu'il manque là, n'est rien dont on puisse l'accuser puisqu'il n'y a pas jusqu'à lui qui ne puisse s'en plaindre (et qui ne s'en plaigne; n'affirme-t-il pas que, s'il ne tenait qu'à lui, c'est tous qui en jouiraient?). C'est le tour de force du capital d'en avoir convaincu y compris ceux qu'il prive le plus, qui ne savent plus dès lors contre qui se retourner. Et qui, faute de le savoir, se dressent les uns contre les autres. Le tour de force du capital aura consisté à laisser s'entre-accuser de leurs détresses ceux qu'il aura réduits à celles-ci.
« La révolution pourrait ne plus rien désigner (ce qui est aujourd'hui approximativement le cas) qu'elle n'en devrait pas moins continuer de menacer quiconque se hâte de déduire de ce qu'elle est sans objet qu'elle est aussi sans motif. Le motif pourrait bien lui tenir dorénavant lieu d'objet. (Auquel cas, la révolte constituerait l'analogue "post-historique" de la révolution; comme fin, entre autre, de l'histoire révolutionnaire.) »
Michel Surya, Théorèmes de la domination (Le capital, la transparence et les "affaires"),
Talus d'approche, coll. humeurs, Mons, 1996.
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Buster Keaton par Ruth Harriet Louise, 1929 [ source ]