Lectures pour tous : J.M. Erre
« Au cinéma, on désigne sous le nom de "série Z" une catégorie de films moqués pour leur budget insignifiant, leur médiocrité technique et leur pauvreté artistique. Il n'en reste pas moins que nombre de séries Z ont atteint le statut de film culte dans les cercles de cinéphiles initiés et/ou alcoolisés. Le lecteur non initié et/ou alcoolisé doit être averti qu'explorer les eaux troubles de ce cinéma "différent" n'est pas sans conséquence. L'auteur ne saurait donc être tenu pour responsable des dommages émotionnels que pourraient occasionner la puissance évocatrice et l'insondable poésie de titres comme L'Attaque de la moussaka géante, L'Homme homard venu de Mars, ou encore Arrête de ramer, t'attaques la falaise. (Tous les titres cités dans ce roman étant garantis rigoureusement authentiques.) »
« Jeudi 22 avril, boulevard Jean-Rollin. "Émile Gariguette, comédien exemplaire, c'est le clap de fin pour toi. Les projecteurs se sont éteints, les ouvreuses ont rangé les eskimos, le Grand Metteur en Scène va te recevoir dans quelques instants." Debout dans l'église Saint-Bouyxou(*), encadré par les Galachu, Félix appréciait les images subtiles de l'oraison funèbre. Le prêtre était jeune, les cheveux ramassés en catogan, le chasuble orné d'un pin's "Entre Jésus et moi, c'est cash". Dans son dos, deux enfants de chœur, hilares, se balançaient des hosties en douce. [...] "Souvenons-nous de ces comédies colorées qu'Émile illuminait de sa présence, L'Abominable Homme des douanes ou encore Poussez pas grand-père dans les cactus, et rions, mes bien chers frères! Car Émile était humour, car Émile était amour." "Émile, ton talent reste encore méconnu. Mais faisons confiance au temps qui donnera peut-être un jour à ton rôle dans Les Couilles en or, le film perdu de Jean-Pierre Mocky(**), sa place au firmament du septième art." »
(*) Cf. « Plein les mirettes », Siné Hebdo n° 83, mercredi prochain.
(**) Dont la seule critique connue figure au Coin du cinéphage, comme le remarque fort justement J.M. Erre. Le soussigné échangerait d'ailleurs son dernier T-shirt neuf aux couleurs de La Vie sexuelle des Belges (Jan Bucquoy, 1994) contre l'autorisation de visionner ce Mocky réputé perdu, en tout cas rarissime.
« "La famille, c'est la rassurante certitude d'être aimé quoi que l'on fasse", rabâchait ta grand-mère qui, on peut bien le dire aujourd'hui, picolait sévère. »
« Pendant ce temps, à Knokke-le-Zoute... M. Hubert C. pose son roman sur ses genoux, prend une lichette de cognac et fixe les Pléiade de sa bibliothèque d'un air perplexe. Il vient de lire deux chapitres de Série Z et ne sait pas trop quoi en penser. Les personnages, les situations, tout cela lui paraît un peu outré. Et M. Hubert C. l'a toujours dit: "Excès de gaudriole, rire pas drôle." Certes, il est bien conscient que le genre romanesque a bien évolué depuis Flaubert, mais là, entre les vieux pornographes et les films de dernière zone, il y a de quoi redonner des envies de suicide à Mme Bovary. Pourtant, après mûre réflexion, M. Hubert C. laisse parler sa nature indulgente et décide de reprendre sa lecture. Nous lui adressons tous nos remerciements pour sa bienveillance. »