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le vieux monde qui n'en finit pas
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31 mai 2010

Contre la piraterie d'Etat

bar4

dessin piqué à Bar

~

Voici le texte que Thomas, coordinateur de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), avait écrit depuis le cargo grec faisant partie de la flotille de la liberté.

 

Le dernier set

Un jour ou l’autre peut-être, quelquun écrira lhistoire complète de cette aventure. Il y aura beaucoup de rires, de véritables cris et quelques larmes. Mais ce que je peux dire maintenant, cest que nous navions jamais imaginé que nous ferions flipper Israël comme ça. Enfin, peut-être dans certains de nos plus beaux rêves… Tout dabord, ils ont créé une équipe spéciale durgence réunissant le ministère israélien des Affaires étrangères, le commando de marine israélien et les autorités pénitentiaires pour contrer la menace existentielle que nous et nos quelques bateaux remplis daide humanitaire représentent. Puis, Ehud Barak lui-même a pris le temps, malgré son agenda chargé, de nous mettre en garde à travers les médias israéliens. Ils nous annoncent maintenant quils nous enverront dans la pire des prisons israéliennes, dans le désert près de Beersheva.

Ce sont des annonces pour nous faire peur. Et d
une certaine façon nous avons peur. Nous avons peur de leurs navires de guerre, peur de leurs Apaches et de leur commando tout noir. Qui nen aurait pas peur? Nous avons peur quils saisissent notre cargaison et toute laide médicale, les matériaux de construction, les maisons préfabriquées, les kits scolaires, et quils les détruisent. Toute cette solidarité patiemment rassemblée dans de si nombreux pays pendant plus dun an. Tous ces efforts et cette vague damour et despoir envoyés par des gens normaux, dhumbles citoyens de Grèce, Suède, Turquie, Irlande, France, Italie, Algérie, Malaisie. Tout ceci pris comme un trophée par un État agissant comme un vulgaire pirate des îles. Qui ne sentirait pas un certain sentiment de responsabilité et de peur de ne pas être capable daccomplir notre mission et livrer nos marchandises à la population emprisonnée de Gaza?

Mais nous savons que la peur est aussi de l
autre côté. Parce que depuis le début de notre coalition, l’État dIsraël fait tout ce quil peut pour éviter la confrontation avec nous. Depuis le début ils ont essayé de nous empêcher de partir, de regrouper nos forces et de prendre le large tous ensemble vers Gaza. Ils ont essayé de nous briser. Leur scénario idéal était de nous diviser, les Irlandais dun côté, les Grecs et Suédois dun autre, les Américains dun autre encore et les Turcs tout seuls. Bien sûr, ils savaient quils ne pourraient pas mettre la pression sur la Turquie, ni agir directement là-bas. Alors ils ont concentré leurs attaques sur les parties irlandaises et grecques de notre coalition.

Le premier set a commencé il y a deux semaines quand ils ont saboté le cargo irlandais, l
obligeant à retarder son départ pour près dune semaine. Mais les Irlandais ont réparé aussi vite quils le pouvaient et maintenant ils sont à un ou deux jours derrière nous. Puis ils ont mis une pression énorme sur le gouvernement grec, affaibli par la crise économique, pour lobliger à ne pas laisser partir le cargo grec et le bateau de passagers greco-suédois. À cause de ces pressions, nous avons dû retarder notre voyage deux fois et demander aux Turcs, à leurs 500 passagers et aux amis américains qui étaient prêts à partir de nous attendre. Cest ce quils ont fait heureusement! Jusquà la dernière minute avant leur départ de Grèce, nous ne savions pas si les deux bateaux auraient lautorisation du gouvernement grec, mais finalement le gouvernement grec a décidé de prendre ses responsabilités en agissant comme un État souverain et a laissé le cargo et le bateau de passagers quitter le port du Pirée à Athènes.

Le deuxième set a eu lieu hier, dans la partie grecque de Chypre, là où nous avions négocié avec le gouvernement d
embarquer une délégation VIP de parlementaires européens et nationaux de Suède, dAngleterre, de Grèce et de Chypre. Alors que les deux bateaux de Grèce, le bateau américain venant de Crète et les quatre bateaux turcs étaient déjà au point de rendez-vous attendant que la délégation VIP arrive et embarque à notre bord, nous avons reçu la nouvelle que notre délégation était encerclée par la police chypriote dans le port de Larnaka et interdite de bouger où que ce soit. Chypre, un pays européen, était en train dinterdire à des parlementaires européens de se déplacer librement sur son sol, en rupture complète de toute législation et réglementations européennes! Alors que nous commencions à négocier avec le gouvernement chypriote, nous avons clairement compris que ce changement soudain dattitude envers nous était dicté directement par Israël. De sept heures du matin jusquau soir, le gouvernement de Chypre nous mentait, disant que cétait un malentendu, que les VIP aient été autorisés à embarquer pour nimporte quelle direction quils souhaitaient, que cétait juste une question bureaucratique à résoudre. Mais rien ne sest passé et nos parlementaires ont été pris au piège. Le gouvernement chypriote agissait comme un auxiliaire dIsraël et nous a fait perdre un temps crucial. Ce matin, la délégation VIP a décidé que le seul choix qui restait était daller au port de Formogossa dans le Nord de Chypre sous contrôle turc, et de là prendre un bateau rapide pour nous rejoindre au point de rendez-vous. Bien sûr, parce que notre coalition est formée de Turcs et de Grecs et de Chypriotes, la Chypre du Nord qui est sous occupation turque, est une question politique très importante. Et envoyer notre délégation prendre un bateau dans le port de Formogossa, encore sous embargo des Nations unies, est une question politique encore plus importante. Cela aurait pu briser le dos de nos amis grecs et chypriotes de la coalition. Ce fut presque le cas. Mais cest le contraire qui sest révélé. Notre coalition tient toujours. Cest le parti chypriote au pouvoir qui est sur le point de se briser, et les sept parlementaires grecs et chypriotes qui faisaient partie de la délégation et ne pouvaient pas aller au nord de Chypre sont furieux contre le gouvernement chypriote. Un immense débat a toujours lieu en ce moment en Grèce et à Chypre sur ce qui sest passé et sur notre flottille pour Gaza. Dans une heure ou deux, 80% de notre délégation VIP embarquera sur nos bateaux et nous partirons pour Gaza comme prévu. Donc nous pouvons dire quIsraël a perdu les deux sets quil a joués.

Dans quelques heures, le dernier set, crucial, commencera quand nous entrerons dans les eaux de Gaza. Bien sûr, matériellement, il serait très facile pour Israël de nous stopper et nous arrêter, mais le coût politique qu
ils auront à payer sera énorme. Vraiment énorme, à tel point que toutes les ruses et les pièges qu’ils ont tenté de mettre sur notre route ont réussi à faire une seule chose: sensibiliser de plus en plus de gens partout dans le monde sur notre flottille et sur la situation de Gaza. Et de tout ça, nous apprenons quelque chose: la peur nest pas de notre côté, mais du côté dIsraël. Ils ont peur de nous parce que nous représentons la colère des gens tout autour du monde. Les gens qui sont mécontents de ce que l’État criminel dIsraël fait aux Palestiniens et à chaque amoureux de la paix qui ose prendre le parti des opprimés. Ils ont peur de nous parce qu'ils savent que, dans un proche avenir il y aura encore plus de bateaux à venir à Gaza comme il y a de plus en plus de personnes à décider de boycotter Israël chaque jour.

Thomas, depuis lun des bateaux
de la flotille de Gaza - le 29 mai 2010

[ source : Campagne civile CCIPPP ]

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