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le vieux monde qui n'en finit pas
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21 juillet 2010

Lectures pour tous : John Keats

john_keats

« Jai lu récemment lAnatomie de la Mélancolie de Burton ; et je pense que tu tamuseras beaucoup dune page que je recopie ici pour toi. Jappelle cela Feu de Joie autour du Fort St Trait-d’Union-de-Phrase pour lanniversaire du Digamma. Tout lalphabet était aligné en Phalange sur la couverture d'un vieux Dictionnaire. L'orchestre jouait Amo, Amas,& c.

« Chaque amant admire sa maîtresse, si difforme qu’elle soit de sa personne, malgracieuse, ridée, pustuleuse, pâle, rouge, jaune, brune, terreuse de visage, qu’elle ait la face cabossée d’un plateau de jongleur, ou maigre et décharnée d’une fillette, qu’elle ait le front ennuagé, qu’elle soit torse, desséchée, chauve, qu’elle ait les yeux en billes de loto, troubles ou effarés, qu’elle ressemble à un chat écrasé, que son port de tête soit immobile, de guingois, lourd, hébété, avec des yeux caves, noirs ou jaunes, ou qui louchent, une bouche de moineau, un nez crochu à la Persane, qu’elle ait un nez acéré de renard, un nez rouge, un nez épaté à la chinoise, un gros nez, nare sino patuloque, un nez comme un promontoire, qu’elle ait des canines de goinfre, des dents pourries, noires, inégales, des dents marron, des sourcils broussailleux, une barbe de sorcière, que son haleine empuantisse toute la chambre, qu’elle ait la goutte au nez hiver comme été, avec une poche bavaroise sous le menton, un menton pointu, des oreilles décollées, avec un long cou de grue, qui se tient de guingois aussi, pendulis mammis, ses seins comme deux pichets doubles, ou bien à l’autre extrême pas de seins du tout, des doigts sanguinolents, qu’elle ait des ongles dépareillés, longs, répugnants, des mains ou des poignets scabieux, une peau tannée, une carcasse pourrie, un dos cassé, qu’elle soit bossue, boiteuse, avec des pieds plats, aussi fluette en son milieu qu’une vache dans le désert, qu’elle soit podagre, que ses chevilles retombent sur ses chaussures, qu’elle pue des pieds, qu’elle nourrisse des poux, que ce soit une pure enfant des fées, un vrai monstre, une horreur d’imperfection, qu’elle ait une voix dure, des gestes grossiers, une allure vile, que ce soit une ample virago, ou une affreuse péronnelle, une limace, un gros ver de terre, une truie, une grande jument efflanquée, un Squelette, une Chapardeuse (si que patent meliora puta), et si à ton jugement elle ressemble à un cauchemar dans une Lanterne, dont tu ne pourrais t’enticher pour rien au monde, mais que tu hais, que tu exècres, et à qui tu cracherais volontiers au visage, à moins que tu ne te mouches dans son giron, remedium amoris pour un autre homme, une vieille peau, une souillon, une mégère, une fieffée salope, une gueuse puante, crasseuse, bestiale, malhonnête sans doute, obscène, basse, mesquine, grossière, niaise, mal apprise – geignarde, une fille d’Irus, une sœur de Thersite...; s’il l'aime une fois, il l’admire pour tout cela, il ne prête attention à aucune de ces erreurs ou imperfections du corps ou de l'esprit... »

En voilà une dose pour toi – superbe !! »

~

Extrait d'une lettre de John Keats à George et Georgiana Keats, des 17, 18, 20, 21, 24, 25 et 27 septembre 1819,
in Lettres de John Keats, éd. Belin, traduit par Robert Davreu, 1993, ISBN 978-2-7011-1148-3.

Didier, qui m’envoie ce formidable document, nous informe que Georges est l’aîné des deux frères cadets de John Keats. Georgiana est la femme de Georges. Celui-ci a émigré aux États-Unis en1818 et vit à Louisville, Kentucky. L’écriture du poulet aura demandé à John sept jours de travail : elle occupe trente-cinq pages manuscrites.

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Commentaires
D
Bonsoir,<br /> <br /> Le texte de Keats dont vous parlez est un texte de Robert Burton. Trois fois qu'on vous le dit.<br /> <br /> Robert Burton donne lui-même, en notes de bas de page, les sources qu'il utilise. Je vous les ai fournies : rien de Lucrèce. Vous me suivez ?<br /> <br /> Maintenant, si vous voulez fondre en une passion commune le culte aveugle que vous avez pour Lucrèce (auteur du « De Rerum Natura » et non du « De Natura Rerum », comme vous l'écrivez) avec celui, tout putatif, que vous auriez pour Keats, je suis là encore obligé de vous décevoir. En effet, si vous consultez la table de l'index général des oeuvres complètes de Keats : <br /> http://www.archive.org/stream/completeworks05keatuoft#page/242/mode/2up, rien, mais rien de rien, nulle part vous ne trouvez la plus petite trace de Lucrèce. (Il y a bien son viol, ailleurs, mais de Shakespeare.) Quelle noire ingratitude de la part de Keats qui doit tant à son illustre prédécesseur, isn't it ?
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J
Bonjour,<br /> <br /> Il s'agit d'un extrait du poème malheurs et illusions de la passion figurant au livre IV du de natura rerum. Le texte de Keats est à l'évidence plus développée mais l'inspiration empreinte d'un sage ironie est la même et il va de soi que Keats ne pouvait ignorer son illustre prédécesseur de même les auteurs latins que vous citez à juste titre puisqu'ils sont postérieurs à Lucrèce pour lequel je voue, il est vrai, depuis toujours un culte aveugle si tant est que l'expression soit juste pour un matérialiste...<br /> <br /> cordialement et excellente continuation
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D
Bonjour JJDULONG ,<br /> <br /> De Lucrèce, dans ce texte, non, il n'y a rien. (Je ne vois pas, connaissant le « De Rerum Natura », à quelle partie du texte vous pensiez, précisément.) <br /> <br /> Les parties qui sont de la main de Keats, dans la lettre reproduite ci-dessus, sont les suivantes : « J’ai lu récemment (...) Amas,& c. » et «  En voilà une dose pour toi – superbe !! », qui encadrent un long texte qui, lui, est, comme il est dit, de la main de Robert Burton. <br /> <br /> Dans l'extrait de l' « Anatomie de la Mélancolie » de Robert Burton que cite Keats, les sources sont les suivantes : Ovide, « Métamorphoses », Livre I, Vers 502; Horace, « Satires », Livre I, Satire 3, Vers 39-40; Sénèque, « Octavie », Vers 775-776. Rien de Lucrèce, comme vous pouvez le constatez.<br /> <br /> Cordialement
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J
Je me permets une précision.<br /> <br /> Keats s'était inspiré à l'évidence pour écrire ce très beau texte de Lucrèce (de natura rerum) que Molière avait lui-même ensuite repris. Toutes mes félicitations pour votre blog.
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S
Formidable !
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