Jaime Semprun
Jaime Semprun est mort [ lu chez George WF ] [ EdN ]
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« Toute réflexion sur l'état du monde et sur les possibilités d'y intervenir, si elle commence par admettre que son point de départ est, hic et nunc, un désastre largement accompli, bute sur la nécessité, et la difficulté, de sonder la profondeur de ce désastre là où il a fait ses principaux ravages: dans l'esprit des hommes. Là il n'y a pas d'instrument de mesure qui vaille, pas de badges dosimétriques, pas de statistiques ou d'indices auxquels se référer. C'est sans doute pourquoi si rares sont ceux qui se hasardent sur ce terrain. On grommelle bien ici ou là à propos d'une catastrophe "anthropologique" dont on ne discerne pas trop s'il faudrait la situer dans l'agonie des dernières sociétés "traditionnelles" ou dans le sort fait aux jeunes pauvres modernes, en conservant peut-être l'espoir de préserver les unes et d'intégrer les autres. On pense cependant avoir tout dit lorsqu'on l'a dénoncée comme le produit de la perversité "néo-libérale", qui aurait inventé récemment la fameuse "globalisation des échanges": on se défend ainsi de reconnaitre, après tant d'années et de slogans "anti-impérialistes", que cet aspect du désastre a quelque chose à voir avec une logique d'universalisation depuis longtemps à l'oeuvre, et relève de bien plus que d'une simple "occidentalisation du monde". »(1)
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(1) « Il faut sans doute être marxiste au Collège de France pour ignorer que la marchandise est par essence, en tant que rapport social, annihilation de toute particularité qualitative et de toute singularité locale au profit de l'universalité abstraite du marché. Si on accepte la marchandise, on doit accepter son devenir-monde, dont chaque marchandise particulière est un agent, avant même d'être fabriquée à Taiwan. » (Encyclopédie des Nuisances, Remarques sur la paralysie de décembre 1995, mars 1996.)
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