Déprimons avec Pierre Marcelle...
... qui nous disait ceci, dans une chronique datée du 8 avril :
La Le Pen, présidente ? Elle l'est déjà, non ?
« Ça, c’est fait, souffle Copé en s’épongeant le front où affleure, entre les sourcils, la double ride verticale qui d’ordinaire signe chez lui une humeur contrariée. C’est fait, en effet, et bien fait, bien stigmatisant comme programmé, le "débat" débile sur "la laïcité et l’islam de (ou "en", on ne sait plus, on s’y est perdu) France", l’une et l’autre escamotés dans le salon d’un hôtel parisien (Libération du 6 avril). "Marine Le Pen est la première à vouloir que rien ne change", clame, pour justifier son impossible posture, le patron de l’UMP. Il a tout faux.
« Qui ne voit en effet que les 26 "mesures" accouchées, où il n’est question que de cantine, piscine, carrés musulmans, gymnastique, prières et foulards -- toutes ces conneries, si loin des préoccupations de l’immense majorité des musulmans réels --, institutionnalisent le venin frontiste pour que "rien ne change"? Qui ne sent dans l’air mauvais comme cette parole fétide s’est normalisée? On a le droit et le devoir de tout dire, poursuit Copé. Son "pas de tabous" fait écho à celui de Zemmour. Un certain Robert Ménard, autre agité du bocal audiovisuel, met en pages cette doxa que relaient, sur RTL et i-Télé, ses obsessions fumeuses (voir Libération du 4 avril). A l’unisson, Elisabeth Lévy, bavarde commère, braillait l’autre semaine sur un plateau de France2 et à la façon de Riposte laïque, que "quand il n’y a plus de cochonnaille dans nos pots de départ, on se sent atteint". Sans rire.
« Rien de surprenant, chez ces trois-là, dont le républicanisme bruyamment invoqué s’accommode depuis longue lurette d’étranges compagnonnages. Pour peu que l’héritière qui fait tomber les masques mette un peu de "socialisme" dans son nationalisme (comme dans national-socialisme, oui), les voilà totalement désinhibés, à la façon dont se "décomplexa" la droite depuis que Sarkozy en est le champion. Pour cette droite-là, qui prépare les alliances de demain esquissées lors du récent scrutin cantonal, le mal court. Quelle immunité la préserverait, par miracle ou dogmatique sornette, de dangereuse liaison avec sa fille aînée lepéniste?
« Ce "certain nombre de comportements [qui] posent problème" que susurre Claude Guéant, successeur du raciste Hortefeux à l’Intérieur et autre voix de son maître en chaussures à clous, conforte un processus inéluctable, pour peu que le FN veuille bien se rebaptiser. Ainsi fit le Mouvement socialiste italien (MSI, néo-fasciste) de Gianfranco Fini, devenu Alliance nationale afin de fusionner avec le Peuple de la Liberté -- le parti de Silvio Berlusconi… Quand le même Guéant, pour Le Figaro, crache le morceau en remettant en cause l’immigration légale et le regroupement familial, ce n’est plus de la drague, mais l’esquisse d’un programme commun, qu’on est fondé à entendre.
« Jamais, jamais d’alliance, jure-crache Copé! Dans son ombre, cependant, et sur France Inter, une voix ministérielle fantasmait, dans des cantines scolaires, "des enfants de six ans qui refusent de manger du hachis Parmentier sous prétexte que le bœuf n’a pas été égorgé comme il faut" (entendre: selon le rite islamique). Cette voix, c’était celle de la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, à laquelle, pourtant, la rumeur prête un esprit moins niais que celui de son collègue Frédéric Lefèvre, l’ineffable Lefèvre, dont le "Zadig et Voltaire" fait un pendant épatant à la Princesse de Clèves du patron.
« Et partout, dans les marges, dans les coins, dans les plis, comme de l’eau qui tout envahit, se répand, plus ou moins insidieusement, en sus de ses mots, l’image, et presque l’hypothèse, de l’égérie frontiste. Quand, jusque dans ces pages [Libé, NdT], un écrivain (Régis Jauffret, le 17 mars) la fantasme en objet sexuel, quand un chroniqueur (Schneidermann, lundi dernier), observe la redoutable "sympathie" qu’inspire "une si belle cavale", on n’est plus là dans le registre du "politique", mais déjà dans la traduction d’un désir, fût-il contrarié, qui ne serait rien sans son maquereau sarkozien.
« Ainsi, tandis que le chef de l’Etat, chef des Armées, enlise une diplomatie illisible en de belliqueux bourbiers, quelque chose de lui occupe naturellement son parti, son gouvernement, les commentateurs et tous les fronts intérieurs. Quelque chose de blonde. »
(Pierre Marcelle, Libération , 8/4/2011)
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