Lina Romay [nécro]
Cet article de Jean-François Rauger est paru dans l'édition numérique du Monde. Il serait injuste que ce beau texte ému, bref et sans fioritures, de la plume d'un connaisseur de Lina et de Jésus Franco, soit réservé à quelques milliers d'abonnés. Je le diffuse donc gratuitement à mes érudits visiteurs. Demain, puisque Jean-François nous y invite implicitement, nous écouterons Xavier Cugat et l'autre Lina.
« L'actrice Lina Romay est morte à 58 ans des suites d'un cancer à Malaga (Espagne) le 15 février. De son vrai nom Rosa Maria Almirall, elle était née à Barcelone le 23 juin 1954. Encore étudiante au début des années 1970, c'est en accompagnant sur un tournage son petit ami d'alors, photographe de plateau, qu'elle rencontre le cinéaste Jesus Franco.
Franco, qui avait inventé la variante espagnole du fantastique gothique avec L'Horrible Docteur Orloff en 1962, s'était spécialisé dans la réalisation de films horrifiques et érotiques à petits budgets, alimentant avec des productions de genre extrêmement personnelles, et à un rythme effréné, les cinémas de quartier. Franco propose rapidement des rôles à la jeune fille dont celui, d'une sensuelle femme vampire dans La Comtesse noire, chef-d'œuvre de poésie érotique réalisé en 1973.
Dès lors, celle qui est devenue sa compagne deviendra aussi son actrice fétiche. Lina Romay a tourné dans plus d'une centaine de films dont la quasi-totalité signés de Franco. Elle inspirera particulièrement le cinéaste par son exhibitionnisme décomplexé et revendiqué, sa vitalité sexuelle, une forme inédite de sensualité pleine d'esprit.
Avec des titres comme Le Miroir obscène (1973), La Fille au sexe brillant (1975), Doriana Gray (1976), toute une série de films relevant du sous-genre "prison-de-femmes", elle est épiée, scrutée, caressée par la caméra de Franco qui aime par-dessus tout additionner de longues séquences d'érotisme lesbien. Elle n'hésitera pas à passer aux scènes de sexe non simulé, toujours pour Franco ou dans des films qu'elle signe elle-même, dans les années 1980, sous divers pseudonymes.
Elle s'était installée, avec Franco qu'elle a épousé en 2008, à Malaga et continuait de participer à des œuvres tournées par son mari avec des moyens dérisoires, en vidéo, mais avec une énergie intacte. Elle fut sans doute beaucoup plus qu'une muse ou un "modèle" pour cet excentrique et original cinéaste qui a su mêler la trivialité et l'expérimentation. Elle fut une sorte de médium. Elle avait choisi son pseudonyme en hommage à Lina Romay, la chanteuse, dans les années 1940, de l'orchestre cubain dirigé par Xavier Cugat. »
Jean-François Rauger (www.lemonde.fr)
[avons déjà évoqué Lina Romay ICI]
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On en profite pour réécouter la présentation d'ouverture de l'abondante rétrospective Jésus Franco,
en juin 2008, à la Cinémathèque française