Votez Lina Romay !
[Un conseil d'ami de Jean-Pierre Bouyxou]
« L’eussiez-vous cru ? Je vais voter ce mois-ci. Mais pas, naturliche, sous prétexte de virer à tout prix le fétide Sarkozy de son trône, pour apporter ma voix au cucurbitacien Hollande ou à l’émétique Mélenchon (l’homme qui nous ramène aux temps encaustiqués d’Yvonne de Gaulle en déclarant la guéguerre à la pornographie, cette monstresse qui corrompt nos fils et avilit nos compagnes, tagada tsoin-tsoin). Le jour ne viendra jamais, mes agneaux, où vous me verrez participer, fût-ce du bout de l’isoloir, à l’une ou l’autre de ces élections-pièges-à-cons qui, à intervalles aussi réguliers que des giclées de pus, semblent passionner les assurés sociaux. "Une chose m’étonne prodigieusement, c’est qu’il puisse exister encore dans notre chère France un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose", écrivait en 1888 Octave Mirbeau, qui savait ce que s’abstenir veut dire. Non, non, les aminches, je vais simplement siéger en toute désinvolture au sein d’un jury pas du tout amidonné, celui du festival Hallucinations collectives, dont le nom résume l’essence. Connaissant mon mauvais goût, vous pensez bien que je ne pouvais pas rater ça. L’événement se tient du 4 au 9 avril, à Lyon (j’espère que la bouffe sera à la hauteur, mais je continuerai de tututer du bordeaux plutôt que du bourgogne ou du beaujolpince, qui me mettent la tripaille en vrille). Vous donner un aperçu du programme, même lapidaire, serait long et barbant. Il vous suffira, avant de prendre votre billet pour la gare de la Part-Diable, de savoir qu’il y aura plein de ces films révoltants, vulgaires, horribles, cracras, brutaux, dingos, malsains, aberrants, planants, amoraux et malpolis que désapprouvent comme un seul inquisiteur tous les candidats à toutes les mascarades présidentielles. Des films hallucinants, ainsi qu’annoncé, mais pas, loin s’en faut, au sens que Mirbeau donnait à ce mot. Merde, les fans de Jean Dujardin, de Maïwenn et de Xavier Beauvois vont être déçus… Bien fait pour eux. Ça leur apprendra à se contrefoutre de la disparition, le 15 février dernier, d’une de nos actrices de prédilection: Lina Romay. Elle avait joué dans plus d’une centaine de films de son jules, Jess Franco. Follement amoureux d’elle, il n’a eu de cesse de hurler le désir inextinguible qu’elle lui inspirait. Montrer le cul de sa dame de cœur, de manière aussi crue que possible, a été sa seule vraie passion pendant près de quatre décennies. Lina n’a jamais vieilli, n’a jamais rien perdu de son incandescence, parce que c’est sa propre vision d’elle que Jess faisait partager aux spectateurs-voyeurs. Par-delà les apparences, les films qu’ils ont faits ensemble ne sont ni tout à fait des films fantastiques, ni tout à fait des films comiques, ni même tout à fait des films érotiques. Ce sont des films d’amour, d’une gravité et d’une tendresse infinies. »
Jean-Pierre Bouyxou [chronique parue dans Siné Mensuel n°8]
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Après coup. Le jury de Hallucinations collectives [ CLIC ] a récompensé
A Function de la Coréenne Lee Hyunsoo (pour le court métrage)
et Kill List du Britannique Ben Wheatley pour le long.
Qu'on se le tienne pour dit.