Mélençon, de Najiels à Garnier : roulés dans la farine
Il est désormais avéré que le texte de Jean-Pierre Garnier que j'ai déposé ici le 27 avril (et qui m'a valu volée de bois vert et avalanche de noms d'oiseaux, tant la posture et l'imposture, le mythe, le culot, la boursouflure et la personne de Jean-Luc Mélençon sont intouchables) était un pompage assez cruel d'un autre texte, signé Yvan Najiels celui-là. [Je me suis donc fait rouler dans la farine, comme nombre de lecteurs du site des éditions Agone et des blogs de Médiapart. Même si je n'y suis pour rien, je présente mes excuses à Yvan Najiels et à mes visiteurs, en particulier à ceux qui ont eu la bonne idée - car le texte était loin d'être dépourvu d'intérêt - de relayer, à partir de Sus au vieux monde, la "prose" de Jean-Pierre Garnier.] On lira ci-dessous la mise au point déposée hier sur Médiapart par Yvan Majiels, ainsi que son texte original (26 mars, Médiapart)
Jean-Pierre Garnier, libertaire... mais plagiaire !
01 Mai 2012 Par Yvan Najiels
M. Jean-Pierre Garnier, sociologue de son état référencé sur Wikipedia, tient - comme d'autres plus ou moins connus, plus ou moins anonymes - un blog. Ce blog est hébergé par les éditions Agone.
M. Garnier écrit visiblement au Monde libertaire (la tendance politique que ce journal représente ne m'a jamais attiré, il faut dire) et je n'avais donc jamais entendu parler de lui. La tendance Camus-Onfray-Garnier et compagnie - à laquelle sans doute s'ajoute Dany Cohn-Bendit - m'a toujours hérissé puisque n'assumant jamais l'héritage révolutionnaire jusque dans ses erreurs pour présenter un révolutionnarisme d'opérette avec des mains blanches - surtout pas rouges ! - qui ne serviront jamais. Pour faire bref, je préfère Sartre (qui ne se trompait pas d'ennemi) !
Il se trouve que M. Garnier, sur son blog et du haut de son mandarinat au drapeau noir (il y a quand même de quoi rire, ces libertaires sont incorrigibles !), a littéralement - ou presque - pompé mon dernier article qui traitait notamment du rapport de M. Mélenchon à Mitterrand. Le texte, initialement publié dans l'édition "Mille communismes" de Mediapart, s'est ainsi retrouvé repris ici affublé au passage de quelques cuistreries aussi malhonnêtes que pitoyables. Notre anarchiste, forcément léninophobe, a attribué la mention de "crétinisme parlementaire" à Marx mais même ce mensonge a du lui paraître indigeste - trahir Bakounine... Il a également nié que Mao Zedong ait dit "la révolution n'est pas un dîner de gala". Enfin, il n'a pas repris la phrase sur la fausse laïcité qui dissimule mal une vraie islamophobie (nos anarchistes français savent être de grands rrrrrépublicains).
Nos deux textes (ou plutôt, le mien puis l'à peu près mien signé par lui) ont exactement un mois d'écart. M. Garnier, donc, arrive après la bataille. Ceci n'est pas sans rapport avec la léninophobie du courant qu'il représente: on vient toujours après, on prend ce qui est bon, ce qui claque et l'on rejette ce qui est dur à endosser et/ou la réalité concrète de la politique d'émancipation comme, par exemple, la révolution. D'où la détestation dans le monde anarchiste des figures victorieuses d'un bref moment de victoire populaire: Robespierre, Lénine, Hô Chi Minh, Trotski ou Mao sont ainsi voués aux gémonies et on leur préfère les idiots utiles du capital comme Proudhon ou Albert Camus (je parle politique, là, et non littérature).
Je m'attarde sur les principes. Le courant anarchiste français est censé être le plus correct et le plus honnête, le moins "stalinien" de la nébuleuse révolutionnaire. Il y a de quoi rire car ce plagiat de M. Garnier montre que la malhonnêteté est une chose bien partagée chez nos purs aux mains blanches et inutiles. Que l'on pense aux torchons du célèbre libertaire Michel Onfray contre la pensée révolutionnaire (psychanalyse comprise) et ses figures et l'on aura une idée des principes de cette mouvance. Sans parler des frères Cohn-Bendit...
Que l'on me comprenne bien. M. Garnier a absolument le droit de reprendre mon article et de le partager. Cela s'est fait du reste et parfois même par des gens dont les opinions différaient singulièrement des miennes. C'est ainsi; c'est normal.
Mais la moindre des choses, a fortiori quand on se targue d'être un intellectuel contestataire au rebours du monde capitalo-parlementaire, c'est d'être probe et de citer ses sources. Sinon, on est un mandarin universitaire comme disaient les maos de jadis et, Agone ou pas, on ne vaut guère plus qu'un Alain Minc, factotum de Foutriquet II bientôt destiné aux poubelles de l'Histoire.
Je réclame donc une modification du billet de M. Jean-Pierre Garnier où celui-ci, avec la plus grande clarté, exposera la provenance exacte du texte qu'il s'est bien malhonnêtement attribué.
Si quelqu'un le connaît, je le prierais de faire suivre ma légitime requête.
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Du grand entretien de Mediapart avec M. Mélenchon
26 Mars 2012 Par Yvan Najiels
Edition : Mille communismes
Le regretté Gilles Deleuze a dit quelque part qu'à chaque campagne électorale, le niveau de la connerie montait. Celle de 2012, semble-t-il, n'échappe à la règle, tant s'en faut. La connerie cette année se sera notamment illustrée par la polémique autour de la viande halal mais le drame de telles billevesées, c'est qu'elles peuvent se transformer en lois persécutoires.
Mediapart, dans tout cela, fait assez bien son travail, il faut le dire et il semble que la longue interview de Jean-Luc Mélenchon gagnerait - mais pas spécialement pour lui... - à être diffusée, partagée, connue. Les réactions aussi de certains lecteurs sont édifiantes dans leur colère face à Edwy Plenel qui a osé parlé de François Mitterrand, saint homme de la gauche et unique président "socialiste" d'une Vème République qu'il a refusé d'enterrer ("les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent", disait jadis Pasqua) après l'avoir pourtant dénoncée...
La mélenchonomania qui saisit "le peuple de gauche" n'est pas pour rassurer et ce sentiment est accentué par les commentaires qui disent clairement qu'il est inutile de parler de Mitterrand. Ce refus, du reste, illustre une dimension tragique du registre électoral. On pourrait dire, en prolongeant La Rochefoucauld, que le soleil, ni la mort, ni l'inertie globale du monde ne se peuvent regarder fixement. L'illusion électorale est une douceur sucrée sans lendemain mais qui, les quelques mois qu'elle dure, nous berce langoureusement. Il n'y aura rien - ou si peu - d'un strict point de vue électoral mais on y a cru et cette illusion lyrique de supermarché parlementaire rend plus douces nos rudes existences.
Pour autant, à l'injonction parlementaire "Votez !", il est faible de répondre par son inverse "Ne votez jamais !". Tout dépend des situations et s'il apparaît évident qu'il fallait participer au référendum de 2005 contre le carcan libéral du TCE, les élections post-Mai 1968 ou post-Révolution tunisienne furent clairement des opérations réactionnaires destinées à liquider le fond de l'air rouge ou, pour la Tunisie, la révolution en marche.
S'agissant de l'élection de cette année, élection antidémocratique s'il en est car nous collant une camisole de force pour 5 ans, il est assez ahurissant que cette question soit sous le boisseau. Il en va de même pour le vote Mélenchon. Est-on obligé de voter pour un homme qui veut incarner "l'autre gauche" (serpent de mer parlementaire, cela aussi...), qui fut sénateur PS à 35 ans, mitterrandolâtre ne doutant jamais de la grandeur de son mentor et jospiniste de choc dans un gouvernement qui comptait le flic Chevènement et le poujadiste Claude Allègre ? Tout cela n'est pas de l'ordre du détail, ni de l'histoire ou, en tout cas, d'une histoire close. Le mitterrandisme n'est pas une chose ancienne, définitivement derrière nous. Nombre de plaies de ce pays en viennent directement: l'invisibilité des ouvriers (spécialement s'ils sont étrangers), la laïcité belliqueuse qui proscrit les musulmans de ce pays, l'argent-roi qui désormais est le seul critère d'études réussies, la conversion de la France au capitalisme financier le plus vil, l'atlantisme assumé... En cela, Edwy Plenel a eu raison d'interroger Jean-Luc Mélenchon sur le mitterrandisme car ce point est tout sauf un détail et rester fidèle à cette période de désorientation et de corruption politiques ne dit rien qui vaille. Enfin, la fidélité à un homme qui n'avait d'autre principe que sa réussite politique personnelle est plus que déconcertante... Qu'est-ce qui garantit, en effet, que M. Mélenchon me mettra pas ses pas dans ceux de son Tonton ? Entre Saint-Just et Mitterrand, il va falloir choisir !
Le premier signe de cette éventualité est la justification que le co-président du PG donne à la rigueur. Celle-ci fut obligée, due à circonstances imprévues et extérieures... Qu'est-ce qui aujourd'hui assure que de telles circonstances ne se reproduiront pas? Mystère. Et ce n'est pas la "révolution citoyenne" qui nous rassérènera car à vrai dire, cette expression n'est même pas oxymorique, elle est purement contradictoire puisqu'elle réconcilie l'idée de "révolution" avec "dîner de gala" sous les lambris de la Rrrrépublique! C'est dire à quel point ce mot d'ordre est fumeux! Pareil pour "insurrection civique" où est entendu que civique concerne le vote stricto sensu. Cette expression est la version de gauche du fétichisme hollandais pour l'isoloir. Elle réconcilie, elle, manifestations et élections. Elle liquide, mais du côté gauche, l'événement-68.
On pourrait continuer à pointer les éléments inquiétants du discours mélenchonien ainsi que les positions politiques du bonhomme. C'est un peu dangereux vu la colère qu'elle engendre parmi les fans du candidat Front de Gauche (Edwy Plenel en a fait les frais) et, surtout, c'est peu utile car, au fond, tout le monde - y compris parmi les électeurs du FdG - est conscient du simulacre d'événement - et donc de la supercherie - que Jean-Luc Mélenchon représente. Chacun sait que le slogan "Prenez le pouvoir" est une blague et pourtant, nombreux sont ceux qui acquiescent. C'est la bêtise électorale pour s'inspirer de Deleuze - ou le crétinisme parlementaire, pour reprendre des bolcheviks que, pour le coup, Mélenchon raille assez souvent.
Que fera le Front de Gauche, une fois aux affaires? Qui le sait vraiment? En quoi serait-il le cartel qui, pour la première fois, résisterait au mur de l'argent? La manifestation de la Bastille ne répondait pas à cela et, du reste, c'était une manifestation muette au sens où aucun énoncé singulier venu du peuple n'a été dit. Que personne ne pointe cela est étonnant: la manifestation pour la VIème République était un rassemblement pour un homme... providentiel, mais de gauche !
L'injonction "Ne votez pas !" serait cependant faible et stérile. La campagne crée des dynamiques face auxquelles la lucidité est faible. Bien des gens voteront Mélenchon comme il y a trente et un an des salariés, Mitterrand, en pensant qu'il n'y aurait plus de chômage. Cela peut s'entendre et cela ne fait pas de ces gens-là des "nigauds" contrairement à ce qu'écrit Alain Badiou dans son dernier livre. Néanmoins, ce qui est insupportable et qu'ont quand même bravé Edwy Plenel et Mathilde Mathieu, c'est l'éteignoir parlementaire mis comme une camisole sur la pensée de notre émancipation.
Yvan Najiels