Lectures pour tous : Russell Banks

« Les habitants de Calusa sont habitués aux ouragans en cette saison, et la plupart des résidents vivant réellement là auront obéi aux directives détaillées données par la Fema (l’Agence fédérale de gestion des urgences). La veille de l’arrivée de la tempête, ils auront renforcé leur maison autant qu’ils le peuvent en débarrassant les terrasses et les patios des jouets et du mobilier de plein air. Ceux qui possèdent un bateau l’auront attaché solidement à des pilotis ou l’auront mis en cale sèche, et tous auront rentré leurs antennes paraboliques et rangé leurs vélos et leurs conteneurs à poubelles dans le garage. Ils auront rechargé leurs téléphones et leurs télévisions portables et ils auront mis des piles neuves dans leurs postes de radio, ils seront allés au distributeur automatique de billets le plus proche et auront retiré tout l’argent autorisé par la banque, ils auront fait le plein d’essence, fermé les volets, collé du ruban adhésif sur les fenêtres – surtout celles qui offrent une belle vue sur la la mer ou sur la baie –, et parfois les auront doublées d’un panneau de contreplaqué d’un centimètre et demi d’épaisseur. Ils auront composé le kit familial de survie préconisé par la Fema sur son site « Êtes-vous prêt ? » (http://www.fema.gov/areyouready/hurricane.htm): eau en bouteille, nourriture en conserve ou empaquetée de manière durable, ouvre-boîte mécanique, vêtements de rechange, équipement de pluie et chaussures solides, matériel de couchage, trousse de premiers soins et tous médicaments faisant l’objet d’une ordonnance, paire de lunettes supplémentaire, poste de radio à piles, lampe électrique, piles de rechange, double de clés de voiture, numéros de téléphone des médecins de la famille, fournitures particulières pour les enfants en bas âge, les personnes âgées ou les handicapés de la famille, provisions pour les animaux de compagnie, et, au cas où les dégats auraient obligé les autorités à mettre leur quartier sous surveillance, une facture récente d’eau, de gaz ou d’électricité prouvant leur lieu de résidence. Ils auront un plan d’évacuation, surtout s’ils vivent dans les îles-barrières ou juste au bord de la baie. Nombreux seront les propriétaires d’animaux qui auront préparé un nécessaire de survie pour leurs animaux de compagnie, à savoir deux semaines de nourriture, bols, eau, cages de transport, colliers, étiquettes, laisses, litière et caisse à litière pour les chats, papier absorbant, sachets en plastique et désinfectant des mains pour les propriétaires de chiens. Quand ils évacueront leur maison, ils prendront avec eux la cage où logent leurs oiseaux, et, dans des caisses fermées où ils auront percé des trous pour laisser paser l’air, ils porteront leurs hamsters, leurs serpents, leurs tortues, leurs lézards, leurs furets et leurs tarentules. Grâce au système officiel d’alerte aux cyclones, ils auront eu assez de temps pour se préparer à la tempête, et quand l’ouragan finira par s’abattre sur leur ville, ils se glisseront simplement dessous, attendront qu’il passe et parte sur la mer. »

Russell Banks, Lointain souvenir de la peau, 2011,
trad. Pierre Furlan, Actes-Sud (2012)