Brenez et Bouyxou sur Wakamatsu
Go, go, second time virgin (1969)
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A la demande des proches du cinéaste, Nicole Brenez et Jean-Pierre Bouyxou, parmi d'autres, ont rédigé de courts hommages qui ont été lus lors de la cérémonie de funérailles de Koji Wakamatsu, il y a quelques jours. Les voici :
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« Avec Koji Wakamatsu, disparaît une figure de liberté qui n'importe pas seulement à l'histoire du cinéma mais à l'humanité même. Dans la forme de son iconographie populaire et de ses montages inspirés par le free jazz, l'œuvre de Koji Wakamatsu possède la même audace et le même tranchant que celles de Sade et de Georges Bataille: déployer jusqu'au bout les forces pulsionnelles qui animent l'énergie humaine confronté à autrui, à lui-même, à l'ensemble de la société. Mieux que tout autre, son œuvre nous décrit ce qu'est l'humain, dans sa misère et sa grandeur, son aliénation et sa puissance de révolte. Depuis le XVIIIe siècle de la Révolution française et des Lumières, l'artiste est cet être qui se voue tout entier, quel que soit le prix à payer, à créer de la liberté dans le monde. Par ses films innombrables dont plusieurs chefs-d'œuvre tels L'Extase des anges ou United Red Army, par ses actes et son engagement critique, par l'ensemble de son parcours sans compromission, Koji Wakamatsu a incarné de façon magnifique cette figure de l'émancipation. Aujourd'hui nous pleurons un grand artiste et un pan de notre liberté. » [Nicole Brenez]
La "tombe-utérus de fleurs" conçue par Wakamatsu
« Il y a près de quarante-cinq ans de cela, la première fois que j’ai eu l’occasion de voir un de ses films, presque personne en France ne connaissait Wakamatsu Koji. J’ai su tout de suite qu’il était un des plus grands cinéastes du monde, un des plus inventifs, un des plus originaux, un des plus audacieux. Ensuite, voir d’autres films de lui n’a pas été facile, car peu d’entre eux parvenaient en Europe. Mais tous ceux que j’ai pu découvrir m’ont confirmé dans ma certitude. Wakamatsu Koji n’était pas seulement un technicien remarquablement habile, un extraordinaire raconteur d’histoires. Il était aussi un véritable auteur dont le style se reconnaissait dans chaque œuvre, dans chaque séquence, dans chaque image, et dont le propos gardait toujours la même cohérence morale, la même exigence intellectuelle, la même rigueur politique. J’ai eu la chance de le rencontrer et de l’interviewer deux fois. Nous ne parlions pas la même langue, nous devions nous adresser l’un à l’autre par le truchement d’une interprète. Cela ne nous a pas empêchés de nous entendre parfaitement. J’ai constaté que ce réalisateur génial était également un homme exceptionnel. Un homme chaleureux, généreux, passionné, plein d’humour. Je mentirais en prétendant que cela m’a étonné, mais je ne connais pas de mots assez forts pour dire combien cela m’a ravi. » [Jean-Pierre Bouyxou]
United Red Army, 2008