Rien n'est tolérable de ce qui opprime le vivant
« Qu’y a-t-il de commun entre l’envie, très tôt manifestée chez l’enfant, de tout explorer de lui, des autres, du monde et votre enseignement contre nature où savoir rime avec pouvoir et connaissance avec obédience ? La curiosité se tourne en inquisition dès l’instant qu’elle se coupe de l’élan affectif sans lequel l’apprentissage engendre la dépendance et non l’autonomie, la peur et non l’innocence. [...]
« "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté", proclamez-vous, mais cette liberté, que faites-vous pour en propager la pratique ?
« Il y a deux manières de lutter contre la maladie. Celle du médecin, pour efficace qu’elle soit, ne laisse pas d’inquiéter par l’excellent argument que le médecin doit précisément son existence et ses profits à la maladie. L’autre, moins spectaculaire et peu pratiquée au demeurant, consiste pour chacun en l’exercice d’une volonté de vivre qui le garde, sous sa seule responsabilité, d’entrer trop aisément dans les morbides entrelacs de la bonne et de la mauvaise santé.
« Rien n’est tolérable de ce qui opprime le vivant – l’intégrisme, le racisme, le nationalisme, l’assujettissement de la femme, l’abrutissement des hommes, les régimes dictatoriaux, la relation de mépris, le meurtre, le viol, la pollution, le massacre de la faune et de la flore, le mauvais traitement de l’enfant, la torture, la prison, l’incitation à la peur et à la culpabilité. Mais si la vie a besoin de vos lois pour se défendre, c’est qu’à l’évidence vous n’avez jamais entrepris de la rendre offensive. »
Raoul Vaneigem, Lettre de Staline à ses enfants enfin réconciliés de l’Est et de l’Ouest, Manya, 1992
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