Lectures pour tous : Jean Genet
« Nommez donc, si votre âme est basse, inconscience le mouvement qui porte l’enfant de quinze ans au délit ou au crime, moi je le nomme d’un autre nom. Car il faut un fier toupet, un beau courage, pour s’opposer à une société aussi forte, aux institutions les plus sévères, à des lois protégées par une police dont la force est autant dans la crainte fabuleuse, mythologique, informe qu’elle installe dans l’âme des enfants, que dans son organisation. Ce qui les conduit au crime, c’est le sentiment romanesque, c’est-à-dire la projection de soi dans la plus magnifique, la plus audacieuse, enfin la plus périlleuse des vies. Je traduis pour eux, car ils ont le droit d’utiliser un langage qui les aide à s’aventurer... Où, croyez-vous ? Je ne sais pas. Ils ne le savent pas non plus, même si leur rêverie se veut précisée, mais c’est hors de chez vous. Et je me demande si vous ne les poursuivez pas aussi par dépit, parce qu’ils vous méprisent et qu’ils vous abandonnent. »
Jean Genet, L’enfant criminel, 1949. L’arbalète / Gallimard (2014)