Charlotte Serrand et Ovide tournent à Cancale [Ille-et-Vilaine]
Charlotte Serrand doit tourner cet été, à Cancale, son adaptation des Héroïdes. Il lui manque tout juste deux petits milliers d'euros pour se procurer l'équipement et la logistique indispensables. Vous trouverez sur le site KKBB les informations nécessaires pour l'aider à boucler sa production, et tous les détails sur votre éventuelle rétribution. Rejoignez-nous à bord, vous ne le regretterez pas.
[Je remercie Tifenn Jamin.]
Charlotte Serrand présente ainsi le projet :
On connaît surtout le poète latin Ovide pour ses Métamorphoses, on le connaît moins pour ses Lettres d’amour, également appelées Les Héroïdes. C’est un texte très important, on pourrait presque dire révolutionnaire, pour l’époque mais aussi pour aujourd’hui, tant dans le genre littéraire (l’épistolaire en vers), dans le mélange des genres (l’épique et l’élégie), que dans l’énonciation.
À travers dix-huit lettres, Ovide donne la parole aux femmes. À travers leurs monologues, c’est tout un contre-champ qui se dresse face aux récits épiques, ceux de l’Iliade et de l’Odyssée, et un nouveau paysage qui se dessine: celui de l’attente des femmes, pas moins dépourvu d’actions, de combats, de risques, et d’humour.
Nous avons le désir de briser la solitude des monologues et de les faire déborder vers des dialogues, de faire se rencontrer ces femmes entres elles, en utilisant les anachronismes (elles viennent en effet de lieux et d’époques différentes et n’auraient jamais pu se rencontrer) comme support de fiction, de diction, et de burlesque. Contrer le ton tragique d’Ovide et la posture fixe de ces femmes en attente, par la composition d’un corps burlesque féminin qui semble absent du paysage cinématographique contemporain.
Cette dépendance de l’attente est inextricablement liée au paysage et nous souhaitons confronter le texte d’Ovide à une certaine idée de la culture bretonne et maritime, elle-même caractérisée par son rapport à l’attente, notamment à travers la marée, que nous souhaitons utiliser comme élément burlesque.
Le tournage aura lieu en Bretagne-Grèce, à Cancale, un lieu que nous connaissons très bien. Par endroits, cette côte rocailleuse, hostile, dépouillée, mais aussi très chaude, a des accents méditerranéens, qui ramènent à l’Attique.
Un rassemblement organisé depuis le point de vue de la solitude, dans un paysage à 180°, un peu comme une île, dans lequel le contre-champ est sans cesse remis en question, voire n’existe pas.
Un rassemblement que rend possible le cinéma, et c’est pourquoi nous avons tenu à regrouper des amis professionnels et non professionnels autour du film.
Un rassemblement également de plusieurs textures. Les costumes ont été en grande partie faits main, par la créatrice Céline Delachaux (qui interprète également une héroïde), à partir de tissus achetés dans un magasin d’abayas. Ce mélange témoigne des disparités géographiques et culturelles qui existent entre les héroïdes chez Ovide, mais aussi de la prise de conscience d’une même condition, et de sa dénonciation, d’un point de vue plus contemporain.
Un rassemblement, enfin, d’actrices non professionnelles, autour d’une figure « professionnelle »: Pénélope. Nous avons demandé à Françoise Lebrun d’interpréter le rôle. Comme si, à travers le travail d’une actrice, il y avait le travail de l’attente. Comme s’il fallait « apprendre » à attendre. Cela participe aussi de la partie comique du film. Son rapport à la littérature, aux lettres, qu’elle met notamment en scène dans son film Crazy Quilt (2009), nous a d’abord donné envie de lui confier ce rôle.
plan de tournage des Héroïdes