Le soufre des Caraïbes
Le dollar des sables est un oursin irrégulier, appartenant à l'ordre des clypéastéroïdes.
En cas de danger, sa larve est capable de se cloner instantanément pour doubler ses chances de survie.
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« Si, plus tard dans la chambre, il me demandait, très vite, de l’argent delante (pourquoi ? pour la moto que Rubio avait proposé de lui vendre), en froissant sans cesse dans le lit les papiers de mentas qu’il balançait autour de lui, c’était, cette fois, avec une sorte de violence perdue, de despotisme égaré, de dureté affolée, comme s’il n’y croyait pas vraiment, comme si l’argent n’était plus qu’un alibi qui tournait à vide, une couverture commode pour s’aveugler, se cacher à lui-même le peur de me perdre, comme s’il ne savait plus – pressé, implacable et perdu – où il en était, de cette relation avec moi, tendu entre la sincérité et le calcul, le sentiment et l’intérêt, l’affection et la ruse, l’habitude de prendre et le risque d’aimer; et pour calmer son trouble, je lui disais: "Tu t’es habitué à moi"; son visage s’illuminait, c’était l’expression qui lui plaisait, qui lui allait, qui lui convenait; "Oui", me répondait-il, comme soulagé, content – cette expression qui était assez neutre pour lui permettre d’éprouver ce qu’il voulait sans le préciser, sans l’avouer, laisser aussi le sentiment le traverser en douceur, en silence, parcourir tous les méandres, prendre tous les tournants de sa Loma intérieure. [...] Quand il se réveillait – il était six heures, le ciel était déjà plus clair au-dessus des orangers –, il me regardait avec sa tendresse rude, étonné d’être resté avec moi, pour la première fois, jusqu’au petit matin: c’était le plus beau gage qu’il pouvait me donner. Il se levait, se rhabillait d’un coup, fier, en passant devant la table, de revoir sur l’une des feuilles son nom qu’il avait écrit en entier [Noeli Mercado Bonilla]. Il ajustait bien sur ses tempes, en s’éloignant dans le jardin de l’Atlantis, sa casquette rouge, avec le profil d’aile blanche sur la visière, pour qu’on ne vît plus la blessure sur le front. Il ne se doutait pas que je le regardais – oubliant presque le désir – comme un fils, avec ce surcroît de peur, d’émotion de sang pareil, de besoin de protéger, d’accompagner et d’incarner un repère de ceux qui n’en avaient jamais eu, ne savaient pas vraiment. »
Les dollars des sables, Jean-Noël Pancrazi, 2006, Gallimard [et "Folio", 2007]
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Du roman de Pancrazi, Laura Amelia Guzman et Israel Cardenas ont tiré un film.
Dolares de arena, qui bat triple pavillon dominicain, argentin et mexicain, est présenté à Nantes.
A l'écran, le narrateur quinquagénaire et possible alter ego de l'écrivain laisse la place à Geraldine Chaplin (!), et le jeune métis Noeli devient une très cinégénique post-adolescente. Nous saurons bientôt si les cinéastes ont choisi la piste Cantet-Laferrière, ou si leur film a conservé l'odeur de soufre de l'oeuvre originale. [horaires: ICI]