10 avril, Franz reçoit une lettre du docteur
Berlin-Charlottenburg, 10 avril 1917,
Cher Monsieur,
Vous m’avez causé bien des soucis.
J’ai offert votre Métamorphose à ma cousine. Mais elle n’a rien compris à l’histoire. Ma cousine l’a passée à sa mère qui, elle non plus, n’y a entendu goutte. La mère l’a alors fait lire à mon autre cousine, laquelle ne lui a trouvé aucun sens. Voici ce que ces dames m’ont écrit: comme c’est moi le docteur de la famille, elles me somment de leur expliquer l’intrigue.
Or je suis complètement dans le brouillard.
Monsieur ! J’ai passé des mois dans les tranchées sans sourciller sous le feu des Russes. Mais je ne pourrais supporter de perdre la face devant mes cousines. Vous seul pouvez m’aider. C’est votre devoir, après tout. N’est-ce pas vous qui m’avez plongé dans ce pétrin ? Je vous remercie donc à l’avance de me dicter ce que mes cousines doivent penser de La Métamorphose.
Avec mes sentiments respectueux,
Dr. Siegfried Wolff
[Lettre de Siegfried Wolff à Franz Kafka, 10 avril 1917,
cité par Saul Friedländer dans l'excellent Kafka, poète de la honte, 2013,
traduit par Nicolas Weill, Seuil (2014).]