Lectures pour tous : Kent Anderson
« Hanson ôta sa chemise et l’enroula autour de son poing gauche. Il maintint le blaireau groggy cloué au sol de cette main, et commença à détacher les tiques de l’autre, en prenant bien soin, en les arrachant, de ne pas laisser les têtes incrustées dans le blaireau. L’une après l’autre, il les retirait de l’épaisse fourrure brune, avec leurs petites têtes noires et leurs crochets qui s’agitaient fébrilement, à l’aveuglette, et les écrasait entre pouce et index, lentement, jusqu’à ce qu’elles explosent. Lorsqu’ils les eut toutes retirées, ses deux mains étaient poisseuses de sang, gluantes de petites pointes blanchâtres des corps écrasés tandis qu’éparpillées aux revers de ses mains, semblables aux petites graines de baies qu’on vient de broyer, les têtes noires fouailleuses de chair des tiques, toujours vivantes mais déglinguées, claquaient encore du bec, quêtant leur proie sur la peau parsemée de taches de rousseur. »
Kent Anderson, Sympathy for the devil, 1987,
traduit de l’anglais par Frank Reichert, Gallimard [1993]