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le vieux monde qui n'en finit pas
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23 mai 2020

Lectures pour tous : Éric Chauvier

« Je la revois maintenant dans les recoins dérobés du collège, quand elle se met à embrasser, avec une passion ostensible, les plus intimidants des jeunes bourrins du coin; dans mon souvenir, ils sont tout de cuir, de jean, de sueur, de graisse et de poils. Elle doit avoir douze ans. Elle ne fait pas dans le paysan – au bled, la classe paysanne est encore très représentée dans les années 80; c’est avant le lessivage des paysages par l’agriculture intensive. Fille d’ouvrier, au sec dans le pavillon parental acheté à crédit sur trente ans, elle fuit compulsivement les "bouseux". Elle leur préfère la pseudo racaille du coin; des types un peu plus aventureux en matière de défonce, qui assument pleinement leur déscolarisation, jurent, crachent et se font respecter en se battant dans la poussière de la cour du collège. Elle doit commencer à les fréquenter durant l’été de la cinquième. [...] Je guette les façons qu’elle a de se mettre en scène pour mieux attirer ses proies dans les angles du collège: les toilettes des garçons, les toilettes des filles, les sous-sols, les greniers, les locaux techniques, la buanderie, les salles de cours – parfois – fermées de l’intérieur. Je m’adonne à la géographie brutale de ces lieux de perdition, et aux stratégies qui s’y déploient; je suis le Clausewitz de ses amours débutants. »

Laura, 2020, Allia.

laura

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