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27 mars 2021

Révo Cul au CNC

LA THEORIE

CNC (clic)

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li photo

LA PRATIQUE [extrait de Marianne, 26 mars 2021]

Alain Langlois*, réalisateur, producteur de cinéma et scénariste, raconte son expérience lors d'un stageorganisé par le Centre national du cinéma visant à sensibiliser au sexisme.

Plutôt paradoxal que d’assister à un « stage » intitulé « Prévenir et agir contre les violences sexuelles », alors que le président du CNC (le Centre national du cinéma), Dominique Boutonnat, est, depuis quelques semaines, mis en examen pour viol. La curieuse impression d’être au milieu de la célèbre pièce Angels in America, qui raconte comment le dénonciateur le plus virulent – il était procureur – des homosexuels à l’époque du maccarthysme, s’était retrouvé trente ans plus tard être une des premières victimes du sida, et, du coup, obligé d’avouer sa propre homosexualité. Hypocrisie, quand tu nous tiens...

Lorsqu’à l’automne dernier, je reçus la notification de ce stage – et de l’espèce de chantage opéré par le CNC qui conditionne désormais toute subvention publique à la participation à la chose –, je pensai d’abord à un canular inventé par le site parodique du Gorafi. En réalité, il n’en était rien: c’était bien une initiative officielle décidée par le ministre de la Culture de l’époque – et oublié depuis – Franck Riester, et par Dominique Boutonnat, sous la pression de différentes associations « féministes » influentes dans le milieu du cinéma. En particulier le tout-puissant « Collectif 50/50 », dont un des titres de gloire est d’avoir obtenu qu’un film sur deux, dans les festivals du type Cannes, soit réalisé par une femme.

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Question « remise au pas », la France se trouve donc à l’avant-garde mondiale, et cette brillante idée, digne des stages de rééducation organisés par les Gardes Rouges durant la Révolution culturelle chinoise pour « désembourgeoiser » les intellectuels et les artistes, fait de nous des précurseurs. Même les universités américaines et leur gender studies n’ont pas réussi à faire aussi bien.

À coups de séances rassemblant tous les quinze jours entre quarante et cinquante personnes, une grande majorité d’hommes mais aussi quelques femmes – histoire de bien montrer que le harcèlement sexuel n’est pas que l’apanage des hommes – ce sont ainsi près de 1600 producteurs qui seront obligés, d’ici la fin 2021, de se soumettre aux discours culpabilisateurs de l’association AVFT (Association européenne contre les Violences Faites aux Femmes au Travail), en charge de ces sessions. Une association qui ne doit pas faire tout ça à titre gracieux.

Seuls sont conviés les producteurs qui – on n’est pas à un cliché près – sont forcément riches et susceptibles d’abuser de leur pouvoir. Nous sommes tous des Harvey Weinstein en puissance, bien sûr. Les réalisateurs et les réalisatrices qui, c’est bien connu, n’ont aucun rapport de séduction ou de domination avec leurs acteurs ou actrices, en sont dispensés.

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Le stage débute par un speech où l’on explique le contexte: "Les plaintes pour harcèlement sexuel sont en général classées sans suite", puis, où l’on analyse les "facteurs de risques": les tournages sont des lieux où règne "la proximité des corps", où "se confondent rapports personnels et rapports professionnels" et où existent "des rapports de soumission entre assistants et chefs de poste". Et même, cerise sur le gâteau: "des relations de fascination intellectuelle". Merci, on était au courant.

Pas l’animatrice, en revanche, qui ne connaît même pas les termes propres à la profession du cinéma et parle de « chef de production » plutôt que de « directeur de production ». Une erreur qui n’aurait strictement aucune importance si ce n’était la preuve que ladite animatrice n’avait aucune idée de ce qu’était la spécificité des métiers du cinéma. Des métiers choisis volontairement par tous ceux qui les pratiquent et où, bien évidemment, règne un système de cooptation. Un système que l’on peut critiquer, qui n’est certainement pas indemne de violences sexistes mais qui est, bien sûr, différent de celui d’une grande administration ou d’une grande entreprise.

On enchaîne alors sur de sympathiques réflexions comme: "Pourquoi dit-on ‘l’homme de Cro-Magnon’ et pas ‘l’être humain de Cro-Magnon ?’", ou : "On laisse entendre que ce ne sont que des hommes qui ont construit les Pyramides (d’Égypte) alors qu’en réalité il y avait aussi beaucoup de femmes" (Ah bon ? première nouvelle), ou encore: "On ne peut pas empêcher les gens de se mettre ensemble pendant un tournage de film, mais ce n’est pas souhaitable. D’ailleurs, si un couple se défait, c’est votre responsabilité de producteur de vous en occuper." Tout cela n’est qu’une petite mise en condition. Un galop d’essai idéologique.

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Et cela continue avec des témoignages filmés. Il n’y a, comme par hasard, que des femmes dont, curieusement, les noms ne figurent pas sous leur image, contrairement à ce qui est fait dans n’importe quel documentaire ou interview télévisée. Auraient-elles peur ? Mais alors pourquoi montrent-elles leurs visages ? Un détail, peut-être, mais qui démontre, involontairement, quasiment le contraire de ce que voudrait prouver ce stage: que les victimes de violences doivent (enfin) témoigner à visage découvert et ne plus avoir peur d’entamer des poursuites contre leurs agresseurs.

Car, il ne sera question, durant les quatre heures que dure cette session, que de dénonciation, de poursuites et de procès. Une sorte de judiciarisation absolue de ces problèmes. On nous expliquera ainsi, puisque le seul but est d’obtenir des condamnations, que la justice ordinaire est trop laxiste puisque c’est à la victime de faire la preuve des violences mais, qu’en revanche, aux Prud’hommes où règne le droit du Travail, c’est le contraire, puisque c’est à l’accusé de démontrer qu’il n’est pas coupable. Et qu’il faut donc que les victimes s’y adressent car leur seul témoignage y suffit à condamner sans autre forme de procès. Qu’il faut en user et abuser.

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C’est terrible. Une sorte de mise en cause du contradictoire qui est la base de la Justice depuis l’Antiquité. Mais la cause est tellement importante – "ce n’est pas parole contre parole", nous explique-t-on - qu’elle n’a pas besoin de s’embarrasser de toutes ces vieilles idées. « Femme, on te croit », comme il est tagué sur les murs de Paris. Même si les accusations sont fausses, puisqu’une femme a forcément raison. Apparaissent d’ailleurs sur un écran (on est dans une salle de projection) des diapos en PowerPoint qui nous font le portrait-robot du « coupable ». "Cela peut être un bon père de famille", ou même "un bon réalisateur". Il peut, tenez-vous bien, être "gentil et attentionné." Les organisatrices ont déjà oublié que, théoriquement, l’"ennemi" pouvait appartenir aux deux sexes.

On pose des questions à la salle et certains des participants masculins – les plus jeunes, en général – entrent dans une séance de contrition digne des plus beaux moments de la Révolution Culturelle. C’est à qui expliquera qu’il est "le plus solidaire" de la lutte des femmes, qu’"il a déjà vu sur un tournage un technicien homme caresser le bras d’une serveuse à la cantine", ou même "qu’il faudrait interdire les fêtes de fin de tournage car tout le monde se laisse aller à faire des blagues qui peuvent être sexistes".

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Et l’animatrice de renchérir en expliquant que l’humour n’est pas une chose naturelle mais "sociale". La preuve: les blagues sur les Belges ne sont pas le fruit du hasard. Explication: c’est parce que les mineurs de fond, belges, étaient exploités dans le Nord de la France au début du XXe siècle qu’on se moque des Belges, puisqu’évidemment on ne se moque que des pauvres. Plus stupidement marxiste, tu meurs. Et d’expliquer que de simples plaisanteries peuvent aussi amener à être condamné: "Bien souvent, l’ironie n’est là que pour camoufler la réalité de la pensée et permettre l’impunité de certains." Je pense soudain qu’avec ce genre de personnages au pouvoir, l’humour juif serait définitivement interdit.

Enfin, on a droit à un quiz. "Faire du pied sous la table à son assistante, est-ce du harcèlement ou une agression sexuelle ?" Réponse: du harcèlement, mais avec circonstance aggravante si c’est un supérieur. "Une main aux fesses ?" C’est une agression sexuelle et passible de cinq ans d’emprisonnement. "T’as un beau petit cul", n’est pas un délit. En revanche, si on le répète, cela le devient. "Des regards appuyés sur les seins ou sur les fesses ?" C’est du harcèlement. Et "seulement" trois ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende. Des conversations graveleuses ? Cela n’entraîne rien au pénal mais il est vivement conseillé d’utiliser alors le droit du travail pour faire condamner. Et ainsi de suite pendant une bonne heure.

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On nous explique encore que les enregistrements clandestins sont autorisés, que les "faisceaux d’indices concordants" suffisent et même "les témoignages extérieurs", c’est-à-dire de gens qui n’étaient pas là. On imagine aisément ce qu’il peut se passer si quelqu’un se retrouve détesté – pour de tout autres raisons – sur un tournage, ce qui arrive bien souvent. Mais le problème n’est pas là pour les organisateurs: il s’agit d’expliquer que tout cela est de la responsabilité de l’employeur et que s’il n’a pas fait de la prévention et pris des mesures, il sera condamné. La peur du gendarme comme outil. La menace comme arme.

On apprend ainsi que le producteur doit lui-même mener l’enquête et interroger toute l’équipe, au cas où, et tant pis si l’accusation s’avère inexacte, si l’on a affaire à un (ou une mythomane). L’important est de se débarrasser de ceux (ou celles) qui sont simplement soupçonnés. "Sinon, c’est vous qui aurez des problèmes."

Et d’ajouter : "D’ailleurs, nous nous attelons à faire changer la loi afin que les agresseurs ne puissent plus s’en sortir." Au passage, l’animatrice explique que Sandra Muller, célèbre pour avoir lancé le hashtag « Balance ton porc » mais aussi pour avoir été déboutée et condamnée pour diffamation envers la personne qu’elle accusait, avait en fait raison, puisque le SMS que lui avait envoyé l’homme qu’elle avait traîné en justice était exact.

On se dit alors qu’heureusement qu’il y a une justice en France et que ce ne sont pas ce genre d’associations qui ont le pouvoir de condamner (sans preuve). Elles ont pourtant pignon sur rue, et sévissent dans une institution publique importante : le Centre national du cinéma. Et aussi dans bien d’autres endroits. C’est triste. Non à cause de la dénonciation de violences sexistes qui sont souvent bien réelles mais à cause de l’atmosphère de suspicion et de dénonciation qu’elles glorifient.

PS : Ah oui, j’oubliais, à la suite de cette matinée, pour vérifier que l’on a bien assimilé tout ce qui a été dit, tous les participants sont obligés de répondre à un questionnaire, qu’ils doivent renvoyer dans les deux mois aux organisateurs. Et personne n’est certain d’être "reçu à l’examen".

*Alain Langlois est le pseudo d’un réalisateur, producteur de cinéma et scénariste.

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