Lectures pour tous : Ludmila Oulitskaïa
« Ceux qui étaient soumis aux expériences étaient plus ou moins sains, eux aussi, mais ils étaient nés de lapins alcooliques que le docteur avait abreuvés d’alcool dilué depuis leur plus jeune âge, et qu’il accouplait ensuite avec d’autres lapins alcooliques pour observer leur descendance. C’était le sujet de sa thèse: l’influence de l’alcool sur la descendance des lapins. Car pour ce qui était de l’influence de l’alcool sur la descendance des êtres humains, là-dessus, la science en savait déjà beaucoup. La laborantine Macha Verchkova, dont la moitié du temps de travail était à la disposition de Douline, était justement issue de cette partie de la population: ses globes oculaires frémissaient souvent légèrement (un nystgamus) et elle avait les doigts qui tremblaient (un tremblement essentiel). Elle était née à sept mois de parents qui buvaient, mais (elle avait eu de la chance) sans lésions cérébrales. Ce qui prouve que même les ivrognes peuvent parfois réussir quelque chose. »
Ludmila Oulitskaïa, Le chapiteau vert, 2010,
Gallimard, traduit du russe par Sophie Benech [2014]