Inlassable Annie Le Brun
« [Je trouvais] plus d’intérêt à côtoyer les surréalistes, notamment Radovan Ivsic et Robert Benayoun, alors très actif: celui-ci dirigeait en effet la revue Positif, qui m’intéressait beaucoup en ce qu’elle se distanciait de la Nouvelle Vague et de son esthétique néo-bourgeoise qui séduisait alors gauche et droite. Les positions de Positif étaient mal vues par la bienséance critique à la mode, notamment celle des Cahiers du cinéma. On se retrouvait tous les dimanches, lors de réunions pleines de vie et d’humour qu’animait Benayoun, par ailleurs auteur d’une Anthologie du nonsense (1957) puis d’une Érotique du surréalisme (1965). Loin de tout formalisme, le cinéma y était envisagé comme source d’un nouveau merveilleux, exaltant le désir et la passion, comme Ado Kyrou en avait rendu compte dans son livre Le Surréalisme au cinéma (1953). »
« En 1977 je publie Lâchez tout. Déclarant que c’est une "mauvaise action", Dionys Mascolo donne le ton qui va être celui des belles âmes. Quand les féministes se battaient pour le droit à la contraception et à l’avortement je ne pouvais bien sûr qu’être pour. Et, au départ, j’ai regardé avec beaucoup de sympathie leurs actions communes avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire, auquel se joignaient lesbiennes et transsexuels. Seulement, très vite, pour des raisons de puritanisme devant les pratiques du FHAR, il est devenu évident que ce néoféminisme visait avant tout à recodifier les rapports sexuels: le moralisme était de retour, s’y déployant, qui plus est, en créneau littéraire pour bourgeoises en mal d’écriture, avec de surcroît un côté dames patronnesses qui acheva de me mettre hors de moi. Lâchez tout est né de cette révolte. »
Annie Le Brun, extraits de "En toute dissonance",
long entretien avec Rémy Ricordeau et Sylvain Tanquerel, Brasero n°1, L’échappée, 2021.