Douglas Sirk et le western
« Mais vous savez que j’adore le western. Il n’y avait pas trop de metteurs en scène hollywoodiens qui étaient d’accord avec moi, et encore moins de critiques. Je me souviens de la célèbre déclaration de Ford: "Mon nom est John Ford. Je fais des westerns." C’était la première fois que les gens en venaient à penser au western comme à un moyen d’expression digne de quelque attention; on le considérait, au mieux, comme une bonne marchandise source de profit à coup sûr. Personne ne comprenait la place qu’a le western dans le cinéma américain, ou que le cinéma a dans la culture américaine. La remarque de Ford provoqua un grand débat. Tout le monde était surpris que Ford lui-même ait choisi de se définir de la sorte. Personne ne comprenait. On se serait attndu à ce qu’il se présente comme le réalisateur des Raisins de la colère. Mais toute évaluation du cinéma américain, à mon avis, passe par celle du western et aussi du mélodrame, et l’on peut asseoir ce jugement par une critique spécifiquement cinématographique. En tant que metteur en scène qui a commencé sa carrière au théâtre, et de plus, en montant des pièces très littéraires, j’aimerais beaucoup insister sur ce point. »
« Celui que j’aimais beaucoup chez Universal, c’était Budd Boetticher. Nous avons souvent tourné sur des plateaux voisins. On se rencontrait le matin, avant d’aller travailler, et je lui disais: "Salut, Budd, qu’est-ce que tu fais ?" et il me répondait: "Salut, je ne fais qu’un petit western minable – et toi ?" et je répondais: "Oh, juste un petit mélo minable", et nous allions au travail. Je crois qu’il avait une conception totalement nouvelle, fraîche, moderne du western. Je ne parle pas d’une approche psychanalytique, comme dans High Noon (Fred Zinnemann, 1952) et Hud (Martin Ritt, 1963) – qui était nulle. J’aime beaucoup ce que fait Budd Boetticher. »
« L’autre cinéaste dont je me souviens tout de suite et que j’appréciais beaucoup est Blake Edwards, que j’ai d’abord connu comme scénariste, avant qu’il ne devienne un excellent et très original auteur de comédies. »
Douglas Sirk, Sirk on Sirk, entretiens avec Jon Halliday, 1971.
[Traduction française Serge Grünberg : Conversations avec Douglas Sirk,
Cahiers du cinéma/Collection Atelier, 1996]