Personne ne meurt
« Dans ses films mélancoliques, peuplés de personnages toujours prêts à mourir d’amour, traversés de tant de souvenirs et de fantômes, Vecchiali n’a jamais eu peur de regarder la mort en face. Dans ce qui reste à mes yeux son chef-d’œuvre, Corps à cœur (1979), Jeanne (inoubliable Hélène Surgère) meurt pendant qu’un rayon de lumière traversant les rideaux lui illumine le visage et qu’elle dit douloureusement son amour à Pierre, qui la tient dans ses bras : "Il aura servi à quoi ton amour, Pierrot ?" sera sa dernière réplique. Plus tard, une collègue de Jeanne dit cette phrase simple à Pierre : "Personne ne meurt." Et alors, Jeanne réapparaît dans la rue, marchant seule en chemise de nuit, n’existant probablement plus que dans la mémoire de l’aimé (voici à quoi il aura servi, son amour), mais à nouveau sous le soleil, d’abord hagarde, comme revenue d’outre-tombe, puis esquissant un sourire. Voilà, c’est ça le cinéma : ce lieu où l’on peut affirmer que personne ne meurt, puis le prouver en un éclair. Le reste, disait Jeanne, "ce ne sont que des pierres, de la terre et de la poussière. Rien d’autre". »
[Marcos Uzal, « La mort en diagonale », Cahiers du cinéma, février 2023]