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le vieux monde qui n'en finit pas
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3 mars 2024

Lectures pour tous : Evgueni Zamiatine

« Ganka ne poussa pas un cri, elle enfonça seulement sa tête dans ses genoux, puis, toujours accroupie, roula mollement sur le côté. Rapidement, avec avidité, Sophia frappa encore plusieurs fois la tête avec la lame, le sang jaillit sur la plaque métallique devant le poêle. Et c'était comme si ce sang venait d'elle-même, de Sophia, comme si en elle un abcès venait de crever et s'écoulait maintenant goutte à goutte, et à chaque goutte elle se sentait un peu plus soulagée. Elle jeta la hache, soupira profondément, librement. [...] Arrosées d'alcool à brûler, les chaussures de Ganka, la robe marron et la chemise flambaient déjà dans le poêle. Nue, rose et fraîche, Ganka gisait sur le sol face contre terre, et sur son corps une mouche rampait avec assurance, sans se presser. Sophia aperçut la mouche, la chassa. Calmement, les mains étrangères de Sophia tranchèrent avec aisance le corps en deux - autrement il eût été impossible de l'emporter. Sophia pendant ce temps pensait aux pommes de terre, dans la cuisine, Ganka n'avait pas fini de les éplucher et il faudrait les faire cuire pour le dîner. Elle alla à la cuisine, ferma la porte au crochet, alluma le poêle. » Evgueni Zamiatine, L'inondation, 1929. Ed. Solin, traduit du russe par Barbara Nasaroff (1988).

~

Ci-dessous, Isabelle Huppert dans le film réalisé par Igor Minaiev en 1993.

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