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le vieux monde qui n'en finit pas
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5 avril 2009

Canicule 14

akita
akita

Quand je suis retourné dans le salon, le chien était toujours allongé sur le divan. En proie à un cauchemar, il geignait, pleurnichait. Ses pattes étaient secouées de spasmes. Soit il chassait quelque chose dans son rêve, soit il était poursuivi et ses pattes bougeaient de plus en plus vite. J’ai eu pitié de lui, car j’avais souvent des rêves de fuite similaires, poursuivi par ma femme, mon agent, ou les frères King, les derniers producteurs qui avaient fait appel à mes services. Soudain, il s’est réveillé et a dressé la tête, heureux de découvrir que ce n’était qu’un rêve, puis il s’est assis en poussant un soupir de contentement. « Comment t’appelles-tu, mon garçon ? » je lui ai demandé. D’un regard, il m’a signifié de la boucler.

[...] « Ça, c’est un akita, a déclaré Colp en examinant le chien vautré sur le divan. Un chien japonais. J’en ai vu à Tokyo. Faut pas plaisanter avec ce genre de clébard. » « Pas étonnant qu’il refuse d’obéir, a dit Tina. Il ne comprend peut-être pas l’anglais. » « Je pourrais téléphoner à Mme Hagoromo qui habite Wodsworth, a proposé Harriet. C’est une femme adorable, je suis certaine qu’elle serait ravie de parler au chien. » « Oh, merde, Harriet, j’ai dit. Nous ne voulons pas dialoguer avec cet animal. Nous voulons tout simplement le mettre dehors. Il ne comprend peut-être pas l’anglais, mais il comprend sûrement la force. C’est un langage que pigent tous les chiens. Pas vrai, sergent ? » « Absolument, monsieur. » « Pouvez-vous vous en charger ? »

[...] Alors nous avons aperçu la carotte. Nous l’avons tous vue en même temps, aussi écarlate qu’un chalumeau. Colp aussi l’a vue. Il a fait mine de se lever. Le chien ne voyait pas les choses ainsi. Il y a eu un grondement, un éclair de canines, des babines retroussées, et brusquement le chien s’est retrouvé sur lui, l’a cloué contre le divan, les crocs acérés et menaçants se sont approchés de la gorge du jeune homme pour l’avertir de rester tranquille et de se soumettre docilement à la carotte qui frappait son levi’s, zap zap zap ! Rick ne bougeait pas, la large gueule féroce pressée contre son visage.

John Fante, in West of Rome, posth. 1986 (traduction française: Brice Matthieussent,
Mon chien stupide, Christian Bourgois, 1987
)


damnation_tarr_
Kàrhozat (Damnation), Béla Tarr, 1988

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