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24 novembre 2011

Lectures pour tous : Roque Dalton

Au nom de ceux qui lavent les vêtements des autres
(et expulsent de la blancheur la crasse des autres)

Au nom de ceux qui gardent les enfants des autres
(et vendent leur force de travail
sous forme d’amour maternel et d’humiliation)

Au nom de ceux qui vivent dans la maison des autres
(qui n’est pas un ventre accueillant mais une tombe ou une prison)

Au nom de ceux qui mangent les croûtons des autres
(et encore les mâchent avec le sentiment de voler)

Au nom de ceux qui vivent dans un pays étranger
(les maisons et les usines et les commerces
et les rues et les villes et les villages
et les fleuves et les lacs et les volcans et les montagnes
appartiennent toujours à d’autres
et pour cette raison il y a la police et la garde
qui les protègent contre nous).

Au nom de ceux qui ne possèdent que
la faim l’exploitation les maladies
la soif de justice et d’eau
persécution condamnation
solitude abandon oppression mort

J’accuse la propriété privée
de nous priver de tout. 

Roque Dalton

Roque Dalton (1935-1975)

~

"Roque Dalton possédait toutes les qualités d'humour, d'intelligence, de liberté et de générosité, de naïveté aussi, qui peuvent pousser un poète à rejoindre la lutte politique, et le placent inévitablement, pour l'un et l'autre camp, en tête de la liste des fusillés potentiels. Tout révolutionnaire s'est au moins une fois demandé si, finalement, cet avenir radieux pour lequel il combat ne le mènera pas aussitôt dans un camp, au lendemain de la victoire, derrière des barbelés, et les poètes russes n'avaient pas eu à s'interroger très longtemps. Roque Dalton avait dû se poser la question à voix haute, lui qui avait vu de près l'image que pouvait offrir le paradis. Ernesto Cardenal m'avait confié à son sujet cette anecdote selon laquelle, au cours de son errance, Roque Dalton avait fini par connaître suffisemment l'alphabet cyrillique pour découvrir un jour un vers surnuméraire, à la gloire du drapeau rouge, ajouté dans la traduction russe de l'un de ses poèmes. [...] Après sa première condamnation à mort au Salvador, il s'était exilé pendant des années à Prague, puis à La Havane. Et lorsqu'il était revenu prendre sa place dans la guérilla, en 1975, après un simulacre de procès au cours duquel ses camarades l'avaient successivement accusé d'appartenir à l'Agence centrale de l'intelligence, puis aux services secrets cubains, alors qu'il n'était qu'un pauvre poète ironique et lucide, un individualiste trop cultivé, on l'avait fusillé dans une clairière salvadorienne."

Patrick Deville, Pura Vida, Seuil, 2004.

roque dalton2

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