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le vieux monde qui n'en finit pas
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2 janvier 2013

Lectures pour tous : Nan Aurousseau

« Mes enfants, mes braves gosses... » Il nous prenait dans ses bras, il pleurait, il haletait, il faisait pitié, vraiment. Alors les flics repartaient sur un dernier sermon. Il jouait bien la comédie, mon père.

Après, il se vengeait sur nous en disant que dès le lendemain il nous noirerait comme une portée de chatons en nous enfermant dans des sacs à charbon, il nous balancerait dans la Marne. On y croyait, nous, on avait la trouille. Moi, je faisais des cauchemars éveillés, je voyais un homme tout habillé de noir, grand, maigre, avec des yeux rouges. Il se tenait debout au pied de notre lit, une sacoche en cuir sous le bras. Il restait là, sans rien dire, il me regardait fixement et j’avais peur. Je me mettais sous les draps et j’attendais. D’autres fois, il était encore là quand je sortais la tête. Parfois, il restait dans la cour, il me regardait à travers les vitres de la fenêtre, longtemps, livide, sérieux comme la mort.

Un jour, je devais avoir treize ans, j’en ai eu marre. J’ai décidé de tuer mon père. Il aurait un accident et on aurait la paix. J’ai dévissé la roue avant de sa mobylette pendant qu’il dormait. Mais le lendemain il est rentré du boulot comme d’habitude. J’étais pas doué pour l’assassinat. Alors j’ai laissé tomber et il a continué à nous pourrir la vie. Ça faisait déjà longemps qu’il la tapait ma mère. Il avait commencé en cinquante, il l’avait giflée parce qu’elle s’était servie de son rasoir pour couper du lino. Un Solingen tout neuf.

Nan Aurousseau, Quartier charogne, Stock, 2012

~

solingen

 

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