« On conseilla à un vieux juif russe de se choisir un nom bien américain que les autorités d’état civil n’auraient pas de mal à transcrire. Il demanda conseil à un employé de la salle des bagages qui lui proposa Rockefeller. Le vieux Juif répéta plusieurs fois de suite Rockefeller, Rockefeller, pour être sûr de ne pas l’oublier. Mais lorsque, plusieurs heures plus tard, l’officier d’état civil lui demanda son nom, il l’avait oublié et répondit, en yiddish: Schon vergessen (J’ai déjà oublié), et c’est ainsi qu’il fut inscrit sous le nom bien américain de John Ferguson. »
Ellis Island, 1980, POL (2019)
[Le texte est ici publié pour la première fois sans les images ni les interviews qui l’accompagnaient,
« afin de souligner l’importance qu’a eue pour Georges Perec sa confrontration
avec le lieu même de la dispersion, de la clôture, de l’errance et de l’espoir »
(Ela Bienenfeld, éditrice)]
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