Lectures pour tous : Bram Stoker, etc.
« Soudain, le clair de lune disparut, tandis qu’un gros nuage noir traversait le ciel; et quand jaillit la lumière du gaz grâce à l’allumette frottée par Quincey, nous ne vîmes qu’une vapeur indécise. Cette dernière, sous nos yeux, se glissa en forme de traînée sous la porte qui, avec le recul provoqué par le violence de l’ouverture, avait retrouvé sa position première. Van Helsing, Art et moi nous avançâmes vers Mrs. Harker qui avait alors repris haleine, et avait en même temps poussé un cri si débridé, si aigu, si désespéré que j’ai maintenant le sentiment qu’il retentira à mes oreilles jusqu’à mon dernier jour. Quelques secondes durant, elle conserva son attitude d’impuissance désordonnée. La pâleur de son visage blafard ressortait d’autant plus que du sang lui maculait lèvres, joues et menton; un mince filet de sang lui dégoulinait de la gorge. Elle avait des yeux fous de terreur. Puis elle se couvrit le visage de ses pauvres mains meurtries, dont la blancheur s’ornait de la marque rouge laissée par la terrifiante poigne du comte; l’on entendit, derrière ses mains, une plainte faible et désolée montrant que son terrible cri n’avait été que la brève expression d’une douleur sans fin. »
Bram Stoker, Dracula (1897), traduit de l'anglais par Alain Morvan.
Cette nouvelle traduction de Dracula figure dans le volume 638 de La Pléiade, Gallimard [avril 2019], « Dracula et autres écrits vampiriques », qui propose également Christabel (Samuel Taylor Coleridge, 1797), Le Vampire (John William Polidori, 1819), Carmilla (Joseph Sheridan Le Fanu, 1872), Le sang du vampire (Florence Marryat, 1897), L’Invité de Dracula (Bram Stoker, 1914, posthume) et moult annexes.