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le vieux monde qui n'en finit pas
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9 février 2023

Lectures pour tous : Julien Gracq

Screenshot 2023-02-09 at 18-55-12 Appointment in Bray (1971)

« Quand je reviens en pensée à l’époque où finissait ma jeunesse, rien ne me paraît plus oppressant, plus trouble, que le souvenir des mois où mûrissait, sans qu'on le sût encore, la décision de la guerre de 1914. Avec ses capotes bleues à paniers, aux pans relevés et boutonnés en triangle par une intendance ménagère des genoux de pantalon, ses masques à groin, la noria terreuse et usée de ses permissionnaires qui trinquaient uniformément aux portières de leur bidon bleu – sortes d'ilotes de tranchée, bardés de sacs de pommes de terre jargonnant entre eux comme des Flamands qui redescendent du Nord avec la saison des betteraves –  elle plonge, maintenant que le modern-style retrouve pour nous une espèce de noblesse, dans l'un de ces entre-deux de la mode qui n'ont pas accès encore au musée du costume et semblent des mannequins défraîchis oubliés derrière la vitrine. Sur les grands plateaux de limon du nord-est, les betteraves maintenant s’enfonçaient dru dans la terre au lieu d’en sortir, mais la France toute paysanne et corvéable de 1917, qui continuait contre vents et marées, à remuer longuement de la glaise avant d’entrer dedans, mariait tant bien que mal son génie routinier à cette guerre restée comme elle extraordinairement gagne-petit et cul-terreuse. » Julien Gracq, Le Roi Cophetua, José Corti, 1970. [Je remercie Philippe Reynaert qui m’a fourni l’occasion, entre Gracq et Delvaux, de me rafraîchir la mémoire.]

Screenshot 2023-02-09 at 18-54-40 Appointment in Bray (1971)

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