Lectures pour tous : Romain Slocombe

« Quelques semaines plus tard, un employé des Autoroutes de Californie trouva dans un fossé, à cent mètres environ des lieux du crime, une masse de sable et de métal rouillé qu’il reconnut comme les restes d’un pistolet. Il le nettoya, le gratta, et passa nous l’apporter à Bakersfield un jour où j’étais de service. Le shérif Cook était allé enquêter sur un vol de bétail quelque part du coté de Maricopa. J’en connais un bout question armes à feu, et je n’eus pas de mal à identifier un automatique sistema Obregon de l’armée mexicaine. Au milieu des années soixante, on pouvait s’en procurer pour pas cher chez les petits armuriers de San Francisco. Extérieurement cet automatique ressemble beaucoup au Colt 45 et tire des balles de même calibre. Mais il est potentiellement plus précis, à cause d’une particularité dans le système de déverrouillage, et suffisamment plat pour être dissimulé dans une botte.

« Je restai un certain temps à l’examiner. Comme le Colt, l’Obregon tire sept coups. Je comptai six cartouches dans le chargeur, la septième étant engagée dans la chambre, prête à servir. Il était inutile de chercher la moindre empreinte, évidemment. Et, de toutes façons, il se peut qu’elle ait songé à les essuyer avant de jeter l’arme de Randy le plus loin possible dans le fossé.

« Je ne revis jamais Asako Maekawa. Welch passa à la chambre à gaz au début de l’automne, l’année suivante. Un jour, le shérif Cook s’informa au sujet du Colt rouillé que j’avais accroché au mur, face à mon bureau. J’expliquai, sans plus de détails, que c’était en souvenir d’une rencontre une nuit sans lune, dans le désert. »

Romain Slocombe, Asako’s Highway,
Michel Baverey éditeur (Nantes), 2000