Bloquons tout ! (Blanqui)
Solidarité avec ceux de Tarnac, suite.
Notre goût des jeux de société nous vaudra-t-il une inculpation d'incitation au terrorisme ? Il fera beau voir ça.
On vous parle d'une petite brochure de huit pages, en vente libre dans les meilleurs kiosques parisiens au début des années soixante-dix (1870 ? 1970 ?).
Voici :
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Le jeu de BLOCAGE peut se jouer à 7, 8 ou 9 joueurs. Le blocage consiste à pirater les moyens dits de communication (téléphone, télévision, routes, voies ferrées, etc.). Le chaos ainsi créé à peu de frais peut entraîner de joyeuses conséquences. En aucun cas le nombre de joueurs n’est limité.
POUR COMMENCER
Il est bon de se procurer entre autres des jetons de téléphone, des voitures, un magnétoscope, des panneaux de signalisation des explosifs, etc. Chacun des joueurs a une mission déterminée. Tous sont en relation par talkie-walkie.
METHODE DU JEU
Le 1er joueur ou "pirate de la route et du rail" (aidé par un ou deux joueurs) doit bloquer de façon appropriée les endroits appropriés et ainsi arrêter le cycle infernal production-consommation.
Le 2e joueur ou "pirate de l’électricité" est chargé d’allumer partout quand il faut éteindre, et réciproquement. Du sabotage de pylône au piratage de l’éclairage public les moyens ne manquent pas.
[Note : Des garnements avec le phare de leurs mobylettes dirigé sur la cellule photoélectrique de l’éclairage public peuvent le maintenir éteint pendant la nuit.]
Le 3e joueur ou "pirate des ondes" a pour tâche soit de supprimer pour un temps plus ou moins long toute émission à la radio et à la télévision, soit de substituer à une émission prévue une émission inattendue dans le genre qu’il désire. La télévision par câble facilite beaucoup ce genre de piratage.
[Note : Un plaisantin au Canada a pu insérer des photos pornos pendant les derniers programmes de Noël.]
Le 4e joueur ou "pirate de la marchandise" (aidé par un autre joueur) doit de façon théorique, puis pratique, dénoncer l’empire de l’économie et de la marchandise sur ce qu’on appelle la vie. Pour ce faire, il détournera les affiches du métro et de la rue (en prenant garde aux caméras de télévision récemment installées), puis détruira les concentrations de marchandises à la campagne comme à la ville.
Le 5e joueur ou "pirate du téléphone" a pour mission d’augmenter encore la frayeur des cons devant les forfaits précédents soit par des fausses alertes à la bombe ou autres, soit par des fausses nouvelles comme la mort de tel dirigeant ou la destruction de tel établissement.
COMPTAGE DES POINTS
Il y a différentes manières de compter les points réalisés par chaque joueur – qui s’efforce moins de réaliser le total le plus élevé que de parvenir au blocage le plus achevé et donc à la désorganisation la plus fructueuse.
On peut soit évaluer quantitativement les dégâts entraînés par chaque joueur (destruction, heures de travail ou de consommation perdues) soit mesurer la qualité de l’émeute à quoi aboutissent les différentes perturbations.
[Note : L’arrêt des trains a récemment entraîné au Japon la destruction de quelques gares, etc.]
REMARQUES
Le jeu est d’autant plus passionnant qu’il réunit plus de joueurs (des milliers, pour ne pas dire des millions). Mais les époques sont rares où beaucoup y sont disposés. Les impatients se retrouveront fatalement peu à vouloir le pratiquer tout de suite. Le résultat est alors parfaitement aléatoire.
Adresse de contact : A. Blanqui, poste restante, Paris 71