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29 novembre 2016

Rocco se confesse

ROCCO

L'étalon italien passe à confesse,

par Jean-François Rauger (Le Monde)

« Le catholicisme,disait Oscar Wilde, n’est fait que pour les pécheurs et les saints. » Ce documentaire sur Rocco Siffredi, une des grandes (et rares) stars masculines du cinéma pornographique contemporain, vient sans doute rappeler cette évidence. Il relève moins de la description didactique que du portrait hypothétique, de la volonté de tracer les contours d’une personnalité singulière sans passer par les conditions objectives de son existence. A l’issue du film de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, on ne sera guère, en effet, édifié sur les conditions de production du cinéma X et sur ses mécanismes de fabrication. Il n’y est pas question d’exploitation ou d’éthique, d’économie ou de nécessité, tant l’univers au sein duquel se meut le personnage central semble relever du donné immédiat.

De la même façon, le parcours biographique du personnage central, fils d’un cantonnier d’Ortona, petite ville des Abruzzes, devenu une icône pop du sexe, ne sera évoqué que par bribes. Seules quelques informations caractéristiques du parcours de Rocco Siffredi et susceptibles d’appuyer une forme de démonstration déjà préméditée y sont énoncées.

On saura ainsi peu de chose du ­détail d’un parcours biographique qui eut pu prendre l’allure d’une success story originale. On ne saura pas non plus que Rocco Siffredi a par ailleurs tourné avec Catherine Breillat, qui eut l’intuition fine de ce que pouvait apporter l’acteur, et sa "spécialisation", dans le cadre d’une fiction non pornographique.

L’espace au sein duquel semble évoluer l’acteur paraît être un monde plutôt ludique et joyeux où de délurées jeunes femmes, tout émoustillées par la virilité triomphante du personnage, s’amusent à se faire parfois malmener, dans des jeux un peu ­spéciaux dont on n’oublie pas de nous faire croire que s’y mêlent autant d’affection que de violence. C’est ainsi qu’apparaît l’intérêt de ce documentaire. Celui de décrire la pornographie comme un théâtre, un simulacre aux règles précises de soumission et de domination, "pour de faux".

Ce théâtre semble en fait, et là jaillit peut-être la vérité du projet du film, déterminé, voire engendré, par un autre, antérieur, primitif, celui d’une mise en scène d’un désir de domination à l’origine duquel s’est imposée une mère forte contre un père trop discret peut-être, celui d’une dépendance au sexe, d’une volonté doloriste à la fois de péché et d’expiation. La pornographie selon Rocco, c’est une manière de rejouer, négativement, les obsessions d’un catholicisme baroque, parfois avec humour et conscience de soi (la dernière séquence est celle où est montré le tournage d’un film où Rocco Siffredi porte une croix et se fait crucifier). Une histoire d’Italie donc, "cette adorable Italie où, selon Balzac, la religion est une débauche et la débauche une religion".

Quelques figures émergent de ce parcours subjectif, que l’on devine maîtrisé par son protagoniste central. Notamment celle de la hardeuse britannique Kelly Stafford, qui, le temps d’une conversation en voiture avec Rocco Siffredi, lui fait comprendre la dialectique du maître et de l’esclave, affirmant que c’est le soumis qui impose son désir au maître. Signe d’une volonté de réflexion sur ce qui est parfois en jeu dans le petit théâtre porno ou, plus largement, dans celui du sexe.

Il y a enfin quelques paradoxes dans la manière dont les cadrages s’évertuent à cacher "l’objet central" du film. Pas de sexe en érection (ou sinon furtivement) ni de pénétrations ou de fellations. ­Volonté, évidemment, d’échapper à une censure qui entraverait la diffusion du film, encourageant quelques coquetteries formelles tirant le film vers une forme d’abstraction.

[Un film de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, 2016, 103’.]

rocco

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