Jazz : par ici la sortie
C'est arrivé tellement vite qu'on ne l'a pas vu passer. Ça date du début de l'été, il y a un bon mois et demi. On vient de retrouver la "brève" sur le blogue de Jazzman. Comme son nom tient à nous le faire comprendre, ce magazine ne nous casse pas les roustons (faisons gaffe, Val va rameuter ses copines) avec les extinctions de voix des maîtresses d'hommes d'État. Pas plus qu'avec les sanglots de nageuses dodues qui nous font une déprime parce qu'elles ont leurs chaleurs au milieu de la piscine, dans le lointain Empire de la bureaucratie massacreuse, là où les images de ce vieux débris de Mao Tsé-Toung nous font, mine de rien, toujours de l'oeil. Ici, je suis obligé de faire appel à l'indispensable Zèbre, sans qui nous n'en aurions rien su.
À Jazzman, on s'intéresse plutôt au jazz et aux gens qui aiment ça, qui en vivent parfois, artistes ou simples "passeurs". Alors on en apprend de belles sur l'indélicatesse des goujats qui dirigent le soi-disant service public audiovisuel. On se dit qu'ils sont mal élevés, qu'ils se croient tout permis, qu'ils ne perdent rien pour attendre, qu'on leur fera payer ça - une pétition ? -, et l'indignation retombe aussi sec, il faut se fader les mômes, c'est les vacances, l'heure des festivals et des retards de lecture - pour d'autres ce sera les camés du vélocipède, la Colombienne en cure à Lourdes et les délaye-lamas sur les routes bretonnes - on peste, et puis c'est bientôt la rentrée, le gaz a encore augmenté, on a oublié Carles et Carrière et Delmas et Gerber. Et puis on se dit que désormais ça se passe partout comme cela. On cogne, on vire, on expulse, on lockoute, on ne renouvelle pas (les papiers, les contrats), on met à la retraite, à la casse, à la frontière, au cimetière, et l'on rassure ses ouailles, on promet que ce sera mieux après, moins cher, plus moderne, plus jeune, plus blanc. Vous y croyez, vous ?
France Musique sur 65.0
« La nouvelle vient de tomber. Avec une brutalité déconcertante. Un recommandé dans la boîte aux lettres. Au motif qu'ils ont plus de 65 ans, comme quelques-uns de leurs collègues du "classique", quatre piliers du jazz à France Musique sont mis à la retraite d'office. Philippe Carles, Claude Carrière, Jean Delmas et Alain Gerber (ce dernier également éjecté de France Culture au même motif). Soit la moitié des voix du jazz sur la chaîne ! "Jazz Club", "Le jazz est un roman", "Le jazz, à contre-courant". Trois émissions et autant d'heureuses différences du service public. On pouvait croire qu'il s'agit là d'un métier "artistique" où la retraite n'a de sens que désirée et, constatant la verdeur actuelle de Martial Solal, Hank Jones, Roy Haynes ou Sonny Rollins, se dire que les années contribuent à la qualité du travail. Mais même en admettant qu'une loi générale s'applique aux nouveaux "flamboyants", comment accepter qu'une telle décision - a fortiori si elle est générale sur Radio France - leur soit annoncée à vingt jours de leur dernière émission? Alors qu'une retraite se prépare et dans leur cas, que cela mérite une fête retentissante. Pour tout ce qu'ils nous ont appris, fait découvrir et aimer, transmis par leur flamme. Chapeau messieurs ! Et carton rouge aux ressources "humaines" du service public... » (Anne-Laure Bucelle)
[Dessus: Claude Carrière et Jean Delmas. Derrière eux: Duke Ellington. Dessous, deux livres tellement beaux et tellement indispensables qu'il faut vraiment, pour ne pas les lire, aimer se vautrer dans l'incomplétude.]